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L’écriture hideuse des villes américaines atteint le paysage architecturale français… Miche Serres…

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L’écriture hideuse des villes américaines atteint le paysage architecturale français… Miche Serres…

L’écriture hideuse des villes américaines atteint le paysage architecturale français… Miche Serres…

Invité dans le cadre d’Agora, biennale d'architecture, d'urbanisme et de design qui s’est clôturé à Bordeaux le 14 septembre dernier par ADIM Sud-Ouest, filiale de développement immobilier de VINCI Construction France, Michel Serres, philosophe et historien des sciences, a livré ses réflexions sur le thème de l’homme dans la ville.

Dans sa conclusion, Michel Serres a souhaité porté un regard sur l’esthétique dans l’architecture. Il en conclu par cette phrase « J’ai passé 50 ans aux USA, et j’avais été frappé par la laideur des villes du fait de la prégnance de l’écriture. Aujourd’hui, cette laideur a atteint la France ». Pour lui, les bâtis ne sont plus des bâtis, mais des supports d’écriture. L’écriture a tué le bâti et les architectes ne sont plus que des fabricants de support d’écriture. Finalement, Michel Serres a adressé un défi aux architectes présents dans la salle « Le premier qui supprimera les écritures des bâtis réinstaurera le métier d’architecte. Ils doivent supprimer l’écriture pour retrouver le sens de la beauté. Et si on inventait une laïcité contre l’écrasement par l’économie ? ».

Retour sur sa conférence du 12 septembre.

La notion « d’habiter » et les souvenirs des hommes

La première partie de l’intervention de Michel Serres a porté sur une réflexion à propos des origines de la manière d’habiter de l’homme. La notion « d’habiter » chez l’homme remonte, en effet pour le philosophe, à quatre souvenirs enfouis.

§ Le premier est très enfoui, car il remonte à un temps où l’homme était un animal. Les hommes tout comme les animaux courent. Ils courent pour attraper leurs proies et échapper aux prédateurs. Toutefois, de temps en temps ils s’arrêtent (pour dormir, copuler et mettre bas). Dans ces moments, l’homme n’appartient plus à la faune mais à la flore. Il est semblable aux plantes, il ne bouge plus, mais il s’allonge horizontalement et verticalement pour mieux capter la lumière. C’est exactement ce que fait l’architecte ou l’urbaniste : il construit des habitats, qui sont semblables aux squelettes des arbres.

§ Pour le 2ème souvenir, il s’agit de s’imaginer devenir millionnaire. Le rêve le plus commun est d’avoir un grand habitat, avec un jardin, sur une éminence de préférence pour avoir une belle vue, et non loin d’un point d’eau (mer, rivière)... Et bien ce rêve est lié à un souvenir ancien, celui de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs. Lorsqu’ils devaient s’arrêter, ils choisissaient généralement un habitat au sein de la savane pour trouver des baies et des animaux, sur une éminence pour voir les prédateurs arriver, et non loin d’un point d’eau pour se protéger des ennemis. Ainsi, «nos projets se nourrissent de ce qui est enfoui en nous ».

§ Le troisième souvenir, lui, est bien plus personnel, il est enfoui au sein de chacun de nous. En effet, chacun connait son adresse, et notre adresse définit un lieu. Or qu’est-ce qu’un lieu ? Un lieu est un mot, qui vient du latin « locus », dont le sens originel est l’appareil sexuel et vaginal de la femme. Ainsi, habiter c’est se souvenir du ventre maternel, le confort d’habiter c’est retrouver les sensations éprouvées pendant 9 mois. Ainsi, construire, c’est retrouver ses racines.

§ Le dernier souvenir c’est celui que l’histoire peut nous dire des villes. Or, entre 1820 et 1850, moins de 8% de la population habitait dans les villes, et plus on remonte dans le temps, plus ce chiffre décroit. Or, l’histoire ne nous raconte, depuis l’Antiquité, que l’histoire des villes : Athènes, Spartes, Jérusalem, Paris ... L’histoire est donc l’histoire des 8% (voire moins) des habitants des villes : qu’est-il advenu des 92% restant ? Nous avons donc perdu une partie de notre histoire. Plusieurs penseurs corroborent cette idée, La Bruyère, « les paysans sont des animaux », pour Aristote, « l’homme est animal politique » (c’est-à-dire qu’il vit dans la cité). La sémantique utilisée aujourd’hui parle d’elle-même : on fait de la politique, qui vient de « polis » qui signifie « ville » en grec, on parle de « citoyen », qui est celui qui habite la cité.

Ainsi, pour Michel Serres, le phénomène le plus marquant du 20ème siècle, c’est le passage de 75% d’agriculteurs en 1900 à moins de 1% actuellement. Durant ce 20ème siècle, il y a donc eu une réelle guerre entre ville et campagne, où la ville a tué la ruralité. C’est la fin de la population de l’espace.

« Habiter une ville » aujourd’hui

Après avoir évoqué ces souvenirs de la notion « d’habiter », Michel Serres a abordé le sujet « d’habiter un espace » aujourd’hui, en commençant par le thème des banlieues.

Qu’est-ce qu’une banlieue ? C’est un lieu proche de la ville, et donc proche de l’ascenseur social. Aujourd’hui, les banlieues sont plus riches que les campagnes, on peut donc dire que la véritable banlieue s’est déplacée. En effet, de la banlieue parisienne on met autant de temps à aller en centre de Paris qu’à aller à Londres ou à Bruxelles ... Si l’on trace des lignes isochrones entre les villes, les territoires sont déformés. On peut donc se poser la question de savoir si la configuration des villes est stable ou instable.

Le philosophe évoque alors l’arrivée des nouvelles technologies au sein de nos villes. Habiter une ville c’est avoir une adresse, qui est composée d’un ensemble de lettres et de chiffres qui définissent un espace. Or cet espace est cartésien, il dépend d’un espace métrique, qui est définit par des distances. Mais avec l’arrivée des nouvelles technologies, nos nouvelles adresses sont notre numéro de téléphone et notre adresse e-mail. Ainsi nous vivons maintenant dans un espace sans distances, c’est-à-dire que nous vivons dans un espace « topologique ». Dans un monde où l’âne, le cheval, la machine à vapeur et les voitures ont réduit les espaces, les nouvelles technologies ont supprimé les espaces !

Michel Serres a souligné que lorsque nous vivions dans un espace métrique, les « nœuds », étaient des lieux de concentration. Avec les nouvelles technologies, nous vivons maintenant dans un lieu de distribution, où les concentrations sont probablement vouées à disparaître, puisque ces nouvelles technologies ont aboli les espaces. Il est donc très dur de savoir dans quel espace nous vivons aujourd’hui.

Après quelques questions de l’assistance auxquelles il a répondu avec précision, humour et bienveillance, Michel Serres a offert une séance de dédicace de son ouvrage « Habiter ».

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