Les eaux usées pour chauffer 5000 logements BBC à Strasbourg, Biovalsan
Lancé en juin 2012 avec l’appui du programme LIFE+ de la Commission Européenne, BIOVALSAN est le premier projet pilote en France pour l’étude et la valorisation de biométhane de station d’épuration. Impulsé par la Communauté Urbaine de Strasbourg et porté par un groupement de partenaires constitué de Réseau GDS, Lyonnaise des Eaux et Degrémont Services, le projet prévoit d’injecter dans le réseau de gaz naturel local 1,6 millions de m3/an de biométhane produit par la station d’épuration de Strasbourg–La Wantzenau. Une première à l’échelle de la France, qui permettrait à la Communauté Urbaine de Strasbourg d’amorcer le virage vers une ressource gaz locale, verte et vertueuse. La phase d’études préalables est aujourd’hui achevée, les choix technologiques sont arrêtés – seul le cadre réglementaire reste suspendu à une décision ministérielle, dernier obstacle à franchir avant l’injection des premiers m3 de « gaz vert » dans le réseau strasbourgeois, prévue au premier semestre 2015.
Un projet pilote né de la convergence d’objectifs énergétiques, économiques et environnementaux
La station d’épuration de Strasbourg – La Wantzenau est la 4ème station d'épuration de France avec une capacité de traitement de 1.000.000 « équivalent habitants ».
Le biogaz produit par les digesteurs de cette installation, soit un volume d'environ 2 millions de m /an, est jusqu’alors valorisé sur site par le biais d'une cogénération chaleur – électricité. Par ailleurs une partie du biogaz produit est également utilisée pour le traitement thermique des boues. Cependant, bien que la valorisation interne du biogaz a permis d'améliorer sensiblement l'empreinte environnementale de la station d'épuration en évitant le rejet de gaz à effet de serre dans l'atmosphère par la substitution du fioul au niveau du traitement thermique des boues, une autre option permettrait d’atteindre des performances supérieures en termes d'efficacité énergétique et d'intérêt environnemental : il s'agit de l'injection de biométhane dans le réseau local de distribution de gaz naturel. Dans la perspective d’une suppression des besoins internes en biogaz et d’augmentation de la production de biogaz à 3 millions de m3/an, cette alternative technologique, qui se caractérise par une efficacité énergétique globale supérieure à 95% – contre moins de 35% pour la cogénération, en raison de l’absence de débouchés pour l’énergie thermique produite – permettrait en outre de réduire de 2/3 les émissions de gaz à effet de serre de la station d’épuration. C’est ce constat de la supériorité du choix de l’injection de biométhane sur la cogénération, notamment sur les plans environnemental et énergétique, qui a donné naissance en 2012 au projet BIOVALSAN.
Pour les besoins du projet, différentes techniques de purification, notamment par cryocondensation, lavage aux amines, filtration membranaire et adsorption sous pression ont été évaluées durant la phase d’études préalables, pour aboutir à l’été 2013 au choix d’un procédé de filtration membranaire mis au point par la société allemande EISENMANN.
Un procédé membranaire pour l’épuration du biogaz
Ce procédé de purification permettra de transformer le biogaz « brut » en un gaz similaire au gaz naturel, avec une teneur en méthane supérieure ou égale à 97% et pleinement conforme aux prescriptions du distributeur (Réseau GDS) et aux dispositions réglementaires françaises. Le procédé garantit un taux de perte de biométhane extrêmement faible, inférieur à 1 %.
Faire progresser la connaissance des risques sanitaires liés à l’utilisation du biométhane
Le biogaz issu de la fermentation des boues de stations d'épurations présente la particularité d'être le produit d'un procédé de traitement intégrant une grande variété d'intrants. La composition des effluents traités au sein d'une station d'épuration de grande capacité est soumise à de fréquentes variations que le procédé doit être en mesure de compenser.
Outre les constituants principaux que sont le méthane (60 à 65%) et le CO2 (35 à 40%), le biogaz peut contenir des quantités variables d'eau (H2O), d'azote (N2), d'hydrogène sulfuré (H2S), d'oxygène (O2), de composés aromatiques, de composés organo-halogénés (chlore et fluor) et de métaux lourds, pour la plupart à l'état de traces.
L'enjeu, pour le procédé de purification qui transformera le biogaz en biométhane, est donc de démontrer, que le biométhane produit à partir du biogaz issu de la fermentation des boues de station d'épuration ne présente aucun risque sanitaire pour l’utilisateur final, qu'il soit de nature chimique ou biologique.
Pour répondre à cet enjeu, l’une des caractéristiques essentielles du projet est son important volet scientifique, auquel sont associés les laboratoires Eurofins Expertises Environnementales et SGS Multilab. Ces deux laboratoires prennent en charge respectivement les caractérisations microbiologique et physico-chimique du biométhane et la définition des protocoles de prélèvement et d’analyse. Parallèlement à ces démarches et via un important travail de mise en réseau, l’équipe du projet propose une méthodologie d’évaluation des risques sanitaires. Les protocoles et la méthodologie sont ensuite soumis à un contrôle et une validation par un Comité Scientifique. Ce Comité est un groupe de scientifiques européens indépendants reconnus pour leur expertise dans les domaines des risques sanitaires liés à l’environnement, de la métrologie gaz, des procédés de méthanisation et de la microbiologie. Ainsi, dès la mise en service de l’installation pilote, les protocoles analytiques seront appliqués et les résultats produits pourront être interprétés au regard de la méthodologie d’évaluation, des risques sanitaires validé par le Comité Scientifique.
Si la fonction première du procédé « Biovalsan » est de produire du biométhane de haute qualité, la technologie sélectionnée permettra également de récupérer la totalité du CO2 contenu dans le biogaz. Ce sous-produit, qualifié de CO2 biogénique (ou bio-CO2), pourrait à terme être valorisé localement, par le biais de filières industrielles en cours d’étude par l'équipe de projet.
Des études en cours pour la valorisation du CO2 biogénique
La mise en service du procédé de purification et de l’unité d’injection est prévue au premier semestre 2015. C’est Réseau GDS, Gestionnaire du Réseau de Distribution à Strasbourg, qui sera en charge d’assurer le contrôle de la qualité du gaz, son odorisation, la régulation de la quantité injectée, et le comptage du volume de gaz au point d’injection.
Premiers m3 de gaz en 2015
L’investissement global hors subventions du programme LIFE+ représente près de 4 millions d’euros amortissables sur 15 ans.