ENFANTS EN SOUFFRANCE... LA HONTE – MARDI 16 SEPTEMBRE 20H35 - FRANCE 5
Un directeur d’association qui touche plus de 9000 € par mois de salaire plus des milliers d’euros de frais personnels payés par le budget « Aide Sociale à l’Enfance ».
Un pédophile, déjà condamné, engagé comme veilleur de nuit dans un foyer qui héberge des enfants.
Avec 1,58 g d’alcool dans le sang, un homme perd le contrôle de sa Ferrari : trois morts, lui et ses deux passagères de 15 et 16 ans dont une placée chez lui par l’Aide à l’Enfance qui lui assurait une vie très confortable.
Une association gagnant beaucoup d’argent vendue à des investisseurs préoccupés par les gains.
L’État a confié la gestion de l’Aide Sociale à l’Enfance aux départements. Un devoir qui a coûté plus de 7,5 milliards d’euros en 2011 aux contribuables.
Bien évidemment, de nombreux travailleurs sociaux interviennent d’une manière admirable. Pour autant, il existe des manques dans les contrôles des établissements ou des familles chargées de cette protection de l’enfance. En 2009, la cour des comptes révèle ce chiffre : un contrôle tous les 26 ans.
Pendant deux ans, les réalisatrices ont enquêté pour mettre au jour ce que cache ce monde où l’opacité et la loi du silence sont des règles absolues.
Négligences multiples, maltraitance, détournement d’argent public, absence totale de contrôle des établissements ou des familles d’accueil… C’est le terrible constat que font les auteures de ce documentaire, après deux ans d’enquête dans l’univers très opaque de la protection de l’enfance.
Parce qu’ils se retrouvent en danger au sein de leur propre famille, ou qu’un événement bouleverse leur existence au point de rendre nécessaire l’éloignement, des milliers d’enfants et d’adolescents sont placés dans des foyers, en famille d’accueil ou dans des lieux de vie gérés par des particuliers. En charge de ces mineurs, les services d’aide sociale à l’enfance (ASE) des différents départements déboursent chaque année, dans leur ensemble, près de 8 milliards d’euros pour leur hébergement et leur éducation. Une somme considérable, dont l’utilisation mérite d’être soigneusement vérifiée. Pourtant, jusqu’à récemment, c’était loin d’être le cas. En 2009, un rapport de la Cour des comptes met en lumière un véritable scandale : les établissements recevant ces jeunes font l’objet d’un contrôle… tous les vingt-six ans en moyenne. Même constat accablant en ce qui concerne les familles d’accueil. Avec une telle liberté d’action, toutes les dérives deviennent possibles, y compris la négligence ou la maltraitance de ceux qui en principe devraient être protégés.
La loi du silence
Pour comprendre comment fonctionne le système de la protection de l’enfance et dénoncer ses dysfonctionnements, Alexandra Riguet et Pauline Legrand ont mené l’enquête à travers la France deux ans durant. Dans le département de la Mayenne, à Laval, le foyer de Hercé a été l’un des rares, parmi les quelque 2 600 que compte le pays, à accepter de leur ouvrir ses portes. Force est de constater que l’ASE préfère se montrer discrète, et cela en toutes circonstances ! A Hercé, où vivent jusqu’à leur majorité une trentaine d’adolescents, directeur et éducateurs ne cachent pas les difficultés auxquelles ils sont confrontés au quotidien. Au niveau du conseil général, qui finance, comme partout, l’association gérant le foyer, on joue aussi la transparence. Mais même ici, en Mayenne, où le système fonctionne plutôt bien, les comptes des associations ne sont pas sérieusement contrôlés. Ce qui rend toujours possible le détournement de fonds. A Saint-Saire, dans la campagne normande, les propriétaires d’une ferme ont ainsi longtemps utilisé une partie des subsides qui leur étaient alloués pour leur propre compte. Mal encadrés, les enfants vivaient quant à eux dans des conditions déplorables, livrés à eux-mêmes, avec le cortège de violences et d’agressions sexuelles que cela suppose. Il a fallu une plainte en 2013 pour que le conseil général réagisse enfin. C’est aussi le suicide d’un éducateur, à Dunkerque, qui en 2011 a attiré l’attention sur les abus commis par les dirigeants associatifs dans le Nord. Des exemples qui se succèdent et se ressemblent. Et, presque partout, les institutions locales sont plus pressées de « tourner la page » que de voir les responsables traduits en justice. A quand le changement ?
Pour en savoir plus
Alexandra Riguet est également l’auteure, avec Bernard Laine, du livre éponyme Enfants en souffrance… La honte, publié chez Fayard et disponible en librairie le 22 septembre.
Après la diffusion de ce film, Marina Carrère d’Encausse propose un entretien exceptionnel de 25’ avec plusieurs invités sur la thématique abordée.
Documentaire
Durée 74’
Auteures-réalisatrices Alexandra Riguet et Pauline Legrand
Production Les Films de l’Odyssée, avec la participation de France Télévisions
Année 2014