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La réutilisation des eaux usées pour l’irrigation, la France réticente…

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La réutilisation des eaux usées pour l’irrigation, la France réticente…

La réutilisation des eaux usées pour l’irrigation, la France réticente…

Une étude réalisée par le Service de l’économie, de l’évaluation et de l’intégration du développement durable du Commissariat général au développement durable s’est penchée sur la réutilisation des eaux usées pour l’irrigation et conclue qu’elle est une potentielle solution locale pour des situations critiques à l’avenir.

La réglementation permet la réutilisation après traitement des eaux usées pour l’irrigation des cultures. Mais cette possibilité est peu mise en œuvre : d’une part, la France est peu confrontée à des situations de rareté de la ressource en eau et, lorsque c’est le cas, cela reste local et ponctuel ; d’autre part, le prix plus élevé des eaux traitées que celui de l’eau prélevée dans le milieu n’est pas incitatif. Les Français sont réticents face à cette pratique de réutilisation et ne souhaitent pas payer la totalité du surcoût de l’eau traitée par rapport au prix de l’eau prélevée. Pourtant, cette pratique est une solution pour augmenter l’offre en eau dans les zones critiques comme le font déjà plusieurs régions ou pays étrangers. L’exemple d’Israël, qui mutualise des coûts entre les différents usagers, pourrait être une piste pour anticiper la pénurie dans les zones concernées en France.

L’enquête précise que la réutilisation des eaux usées est une des mesures inscrites dans la feuille de route issue de la conférence environnementale de 2013. Cette mesure vise à contribuer à la sécurisation à court et long termes des ressources en eau dans un contexte local et saisonnier (printemps/été) de hausse de la demande en eau, tirée par le développement de la population et de la production agricole irriguée, conjuguées à une baisse de la disponibilité en eau, due notamment au changement climatique. Les eaux usées sont récupérées en sortie de station d’épuration, au lieu d’être normalement restituées dans les cours d’eau. La réutilisation des eaux usées après traitement concerne principalement l’irrigation. La réglementation française prévoit également l’arrosage des espaces verts, publics ou privés (terrains de golf). La réutilisation des eaux pluviales récupérées, qui est une autre solution pour augmenter l’offre en eau pour l’irrigation, n’est pas traitée dans l’étude.

La réutilisation des eaux usées est encore peu développée en France

La réutilisation des eaux usées est encore peu développée en France

La réutilisation des eaux usées est encore très peu développée sur le territoire français (19 200 m3/jour) : les volumes concernés correspondent à environ 2 % des volumes réutilisés dans d’autres pays européens, tels que l’Espagne et l’Italie. Dans le monde, il y aurait 20 millions d’hectares de cultures irriguées avec des eaux usées traitées, ce qui représente près de 10 % des surfaces irriguées, mais seulement 1,7 % des surfaces agricoles mondiales. C’est une pratique répandue dans les régions du monde affectées par des pénuries de ressources en eau. Dans certains pays, cette pratique est encadrée règlementairement. Pour ces pays, des estimations de volumes concernés sont disponibles. Une réutilisation des eaux usées simple et non programmée peut exister dans d’autres pays, notamment les pays en développement. Dans ces cas-là, des estimations robustes de volumes concernés ne sont pas disponibles.

La France ne connaît que des épisodes locaux et saisonniers de déficit de la ressource en eau. De ce fait, la réutilisation des eaux usées est restreinte à des régions particulières (notamment insulaires).

Dans les îles de Ré, Noirmoutier, Oléron, Porquerolles, la réutilisation des eaux usées a permis de maintenir ou de développer une activité agricole dans un contexte insulaire où la ressource en eau est rare. Les autres exemples de réutilisation des eaux usées concernent des usages pour lesquels la demande en eau est importante et en conflit potentiel avec l’eau potable. C’est le cas de golfs à l’instar de celui de Sainte-Maxime (Var).

Les eaux usées sont également utilisées pour l’irrigation des espaces verts (jardins publics, terrains de sport ou golfs), principalement dans les pays soumis à un fort stress hydrique : jardins publics et golfs d’Abu Dhabi aux Émirats Arabes Unis, parc olympique, parc zoologique, jardins publics en Australie.

L’encadrement réglementaire limite les risques sanitaires et environnementaux.

La réutilisation des eaux usées s’inscrit dans le cadre réglementaire de protection de la santé publique et de l’environnement. Les eaux usées sont réutilisées après avoir été traitées. Ce traitement vise au respect des prescriptions réglementaires mises en place par les pays. Celles-ci concernent aussi bien les normes de qualité des eaux utilisées, que les distances

minimales à respecter entre les zones irriguées avec des eaux usées traitées et les activités ou les milieux à protéger.

Ces prescriptions réglementaires dépendent du type d’usage : ainsi, les cultures qui sont consommées crues (cas des fruits ou certains légumes) ou les espaces ouverts au grand public sont soumis à des normes de qualité plus exigeantes que les cultures consommées après transformation ou destinées à des usages non alimentaires (horticulture).

En France, la réglementation définit quatre catégories d’usage des eaux usées traitées. La catégorie dont les normes associées sont les plus exigeantes (catégorie A) vise l’irrigation de cultures maraîchères non transformées et l’arrosage d’espaces verts ouverts au grand public (tels que les golfs). La catégorie dont les normes associées sont les moins exigeantes (catégorie D) vise l’irrigation de forêts d’exploitation avec un accès contrôlé du public.

Le coût de la réutilisation des eaux usées est un déterminant important de son développement

Plus les normes de qualité des eaux usées sont exigeantes, plus les traitements associés sont complexes. Plus les traitements associés sont complexes, plus le coût de production d’une eau réutilisable est élevé. Or, le développement d’une telle pratique dépend fortement de son coût par rapport aux autres sources d’approvisionnement en eau (notamment le prélèvement dans le milieu).

Les normes retenues par la France sont similaires à celles de la Californie, l’Australie, l’Espagne ou l’Italie, pays qui ont un niveau de protection sanitaire de leurs populations similaire à celui de la France.

Afin de réduire les coûts relatifs entre une eau prélevée dans le milieu et des eaux usées traitées, certains pays, comme Israël ou l’Espagne, accompagnent le développement de projets de réutilisation des eaux usées par des politiques de transfert des coûts. Ces politiques « mutualisent » les surcoûts liés au traitement des eaux usées avec l’ensemble des usagers de l’eau de la zone géographique concernée. Cette « mutualisation » qui répartit les surcoûts permet de prévenir les conflits d’usages, par le recours à des ressources alternatives économiquement rentables pour les usagers (agriculteurs) puisque subventionnées.

La réutilisation des eaux usées pour l’irrigation, la France réticente…

L’acceptabilité sociale mitigée des Français peut être un frein

Au-delà de la rareté de la ressource en eau et de l'importance des prescriptions réglementaires, la réutilisation des eaux usées peut aussi être déterminée par son acceptabilité sociale.

Les Français consomment déjà des fruits et légumes importés de pays où la réutilisation des eaux usées pour l’irrigation est fréquente (Espagne notamment). Pourtant, un tiers des Français dit ne pas être prêt à consommer des fruits et des légumes irrigués avec des eaux usées traitées. Cela laisse supposer que les consommateurs connaissent peu l’existence de ces pratiques à l’étranger.

Les Français sont réticents à payer la totalité du surcoût lié à cette pratique

Dans le cas où la raréfaction des ressources en eau s'accentuerait, la réutilisation des eaux usées pour l'irrigation peut permettre aux ménages de maintenir leur niveau de consommation. Le consentement à payer des Français pour ne pas avoir à réduire leur consommation d'eau en situation de rareté accrue de la ressource reste néanmoins modeste.

En effet, seul un quart des Français déclare préférer conserver leur niveau actuel de consommation, contre une augmentation du prix de l’eau.

De plus, ce quart de Français accepterait dans ce cas-là une augmentation de leur facture d'eau de l'ordre de 14,5 €/an. Ceci correspondrait à une augmentation du prix de l’eau de 0,26 €/m3, soit 8 % du prix moyen de l’eau actuel.

La faiblesse de cette valeur provient probablement du fait que les ménages ont du mal à se projeter dans une véritable situation de tension sur les ressources en eau, y compris dans les zones critiques. Ils n’ont généralement jamais subi les conséquences d’une sécheresse, car l’eau potable est l’usage qui est préservé en priorité en cas de crise. En effet, une majorité des français pense que la quantité d’eau disponible en France est suffisante et le sera également à l’avenir.

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Encadré : Les politiques de soutien au développement de la réutilisation des eaux usées pour l’irrigation en Israël

Israël a engagé une politique volontariste de développement de l’utilisation d’eaux usées traitées pour l’irrigation, en « mutualisant » le coût de traitement de l’eau réutilisé avec les autres usagers de l’eau. Israël a ainsi mis en place un ensemble de mesures afin d’inciter au développement de projets de réutilisation des eaux usées dans le domaine agricole :

 La mise en place de quotas de prélèvements non échangeables par exploitation agricole (un quota d’eau prélevée dans le milieu et un quota d’eaux usées traitées).

 L'instauration d'un tarif progressif sur la base des quotas alloués par exploitation agricole.

 Une hausse importante du prix de l’eau afin de refléter la rareté locale des ressources en eau. Entre 1995 et 2005, les prix de l’eau à usage agricole ont augmenté de 68 %.

 Des subventions pour la réutilisation des eaux usées pour l'irrigation permettant de créer un différentiel de prix incitatif entre eau vierge et eaux usées domestiques traitées et recyclées. Le prix des eaux usées domestiques traitées est ainsi trois fois moins élevé que le prix de l’eau vierge (0,34 US$/m3 contre 1 US$/m3 en 2010). La différence entre le coût de production des eaux usées traitées et leur prix de vente aux agriculteurs est pris en charge par la facture des usagers domestiques.

 L'allocation d'un bonus de 20 % du volume d’eaux usées pour les agriculteurs qui acceptent d’échanger une partie de leur quota annuel d'eau prélevée dans le milieu contre un volume d’eaux usées.

Par ailleurs, du côté des ménages, Israël a développé également une politique de réduction de la demande via la mise en place d’une tarification progressive en deux paliers (données 2013) :

 2,5 US$ /m3 – pour une consommation inférieure à 3,5 m3/pers./mois ;

 4,0 US$ /m3 – pour une consommation supérieure à 3,5 m3/pers./mois. A titre de comparaison, la consommation moyenne en France est d'environ 4 m3/pers./mois et le prix moyen de l'eau en France est d'environ 3,4 €/m3, soit 4,6 US$/m3 (données SOeS 2008).

Ces réformes ont encouragé la mise en œuvre de techniques d’irrigation plus efficaces, ainsi que des solutions de substitution aux prélèvements d’eau, telles que la réutilisation des eaux usées recyclées et retraitées. 85 % des effluents domestiques sont réutilisés dans le secteur agricole en Israël en 2010. Entre 2000 et 2005, le secteur des fruits a augmenté sa production de 42 % malgré une baisse des volumes d'eau prélevée dans le milieu de 35 %.


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