L'urgence de ralentir – Mardi 02 septembre 2014 à 22h40 sur ARTE
Aux quatre coins de la planète des citoyens refusent de se soumettre aux diktats de l'urgence et de l’immédiateté, pour redonner sens au temps. En Europe, aux États-Unis, en Amérique Latine ou encore en Inde, Philippe Borrel est allé à la découverte d'initiatives, individuelles et collectives, qui proposent des alternatives basées sur d’autres paradigmes.
"Course suicidaire et inconsciente", selon Edgar Morin, l'accélération financière et technologique, déconnectée du rythme de l’homme, mène notre système à l'épuisement et vers des catastrophes tout à la fois écologiques, économiques et sociales. Mais alors que des algorithmes accentuent de manière exponentielle la spéculation financière hors de tout contrôle, aux quatre coins de la planète des citoyens refusent de se soumettre aux diktats de l'urgence et de l’immédiateté, pour redonner sens au temps. En Europe, aux États-Unis, en Amérique Latine ou encore en Inde, Philippe Borrel (Un monde sans humains ?) est allé à la découverte de ces initiatives, individuelles et collectives, qui proposent des alternatives basées sur d’autres paradigmes.
Reprendre le contrôle
Au Rajasthan, le Barefoot College fondé par Bunker Roy recrute des femmes de milieux ruraux pour les former à l'ingénierie solaire ; les villes de Romans-sur-Isère et de Bristol ont mis en place une monnaie locale pour résister à la toute-puissance des banques ; à Ithaca, au nord de New York, des coopératives font leur preuve pour relocaliser l'économie... À rebours du "train fou" du modèle dominant, ces alternatives citoyennes, qui rejoignent les analyses de philosophes, sociologues, économistes et scientifiques, pourraient bien être les pionnières du monde de demain. Autant de gestes qui remettent l’homme au cœur du système.
Suivi d’un entretien avec Noël Mamère.
Photo : © Ferme du Bec Hellouin
Dans l’urgence de ralentir, Philippe Borrel explore les alternatives à une économie dominée par la toute-puissance financière. Une manière de redonner sens au temps, à échelle humaine.
Pourquoi ce film ?
Philippe Borrel : Le projet est né il y a trois ans, lors du tournage de mon film précédent un monde sans humains ? pour ARTE. La question du rapport au temps y était déjà présente. Avec Noël Mamère, il nous semblait nécessaire de filmer un contre-champ et d’aller voir ceux qui tentent de faire émerger des alternatives constructives à la logique d’accélération généralisée. l’urgence de ralentir traite donc de ces autres rapports au temps et à l’argent, en dehors du modèle néolibéral dominant. La plus grande difficulté était de restituer la richesse des expériences locales, menées un peu partout dans le monde. J’ai tenté d’en trouver les dénominateurs communs, en montrant qu’elles s’inscrivent dans un mouvement de transition écologique et sociale global. L’objectif est d’inventer de nouveaux modes de vie, en anticipant dès aujourd’hui la raréfaction des ressources naturelles et la fin des énergies fossiles.
Ces initiatives se multiplient dans les pays du Nord, mais aussi dans ceux du Sud...
En Europe et aux États-Unis, une multitude d’initiatives proposent de repenser le “vivre ensemble” à l’échelle locale. Et l’exemple pourrait aussi venir du Sud, où le modèle occidental de croissance est loin de faire l’unanimité. Par exemple, en Inde, Bunker Roy, le fondateur du Barefoot College, recrute depuis quinze ans des femmes illettrées dans les milieux ruraux d’Afrique, d’Amérique latine ou d’Asie pour les former pendant six mois à l’ingénierie solaire et à l’autonomie énergétique. Un des enjeux majeurs de la quête d’autonomie concerne d’ailleurs la réappropriation des savoirs à travers l’éducation.
Que retenez-vous de cette enquête ?
La réponse du capitalisme à l’urgence climatique reste uniquement technologique et ne remet jamais en cause ce qui, dans son fonctionnement, contribue au dérèglement des écosystèmes. Le modèle dominant dénigre même toutes les initiatives qui s’emploient à redonner du sens à notre rapport au temps ou à l’environnement. Mais avec la crise, la classe moyenne réalise que quelque chose cloche. Et la demande est là, puisque plusieurs films, dont bientôt sacrée croissance, de Marie-Monique Robin, et demain de Mélanie Laurent et Cyril Dion, explorent aussi ces alternatives, encore invisibles, qui contribuent à façonner les modes de vie pérennes de demain.
Propos recueillis par Sylvie Dauvillier
Documentaire de Philippe Borrel, sur une idée originale de Noël Mamère (France, 1h24mn, 2014) - Coproduction : ARTE France, Cinétéve
L'urgence de ralentir