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L’Eau Chaude Sanitaire face à la performance énergétique, infléchir les pratiques sociales….

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L’Eau Chaude Sanitaire face à la performance énergétique, infléchir  les pratiques sociales….

L’Eau Chaude Sanitaire face à la performance énergétique, infléchir les pratiques sociales….

Une étude menée en partenariat avec le COSTIC, l’Institut BVA et une équipe de sociologues (BESCB, CERTOP-CNRS), à la demande de l’ADEME s’est axée sur l’une des problématiques liées à la performance énergétique des bâtiments BBC, l’Eau Chaude Sanitaire. En effet, avec la réduction attendue de la part du chauffage dans les consommations d’énergie domestique, liée à l’amélioration de la performance énergétique des logements, la consommation d’ECS croît mécaniquement dans le bilan des usages énergétiques. Actuellement, le poste ECS, avec en moyenne 50 litres d’eau à 40°C par personne et par jour, représente de l’ordre de 10% de la consommation finale d’énergie d’un ménage1. Dans un logement basse consommation, les besoins d’ECS peuvent représenter plus de la moitié des 50 kWh/m2.an. L’enjeu de l’étude a donc été est d’identifier les leviers d’action qui permettent d’infléchir les pratiques sociales à la fois vers des équipements performants et vers des pratiques de consommation plus sobres.

Après un état de l’art technique et sociologique sur les équipements et les pratiques de l’ECS, trois enquêtes ont été réalisées. Une enquête Online par questionnaires a porté sur un échantillon de 1 000 personnes représentatives de la population française métropolitaine âgée de plus de 18 ans. Une enquête qualitative par entretiens semi-directifs approfondis a été menée auprès d’un échantillon total de 69 consommateurs aux profils diversifiés, ainsi qu’auprès de 25 professionnels de l’ECS (installateurs, fabricants, distributeurs). En complément, deux focus groups ont été organisés avec, principalement, des industriels et des bailleurs sociaux.

Des équipements peu contraignants et un coût méconnu

De nos jours, tous les ménages ont au moins une salle de bain, un évier, un lavabo, une baignoire et/ou une douche, avec plusieurs équipements pour la salle de bain (1,3), les éviers (1,3) et les lavabos (1,6). L’ECS est la base attendue d’un confort domestique minimum dont personne ne songe à se passer.

Les équipements de production : prédominance de systèmes individuels électriques

D’après l’enquête Online, plus de la moitié des ménages ont un système de production d’ECS indépendant du système de chauffage. Dans 80% des cas, il s’agit d’un cumulus électrique. Cet appareil est choisi pour son faible coût à l’achat, sa facilité d’installation, sa fiabilité et sa simplicité d’utilisation. Quand le système de production d’ECS est couplé avec le chauffage, il est au gaz dans 67% des cas. Les systèmes collectifs sont principalement au gaz (60%), au fioul (20%), solaires ou alimentés par un réseau de chaleur (20%). Le chauffe-eau solaire individuel est LA référence écologique sur le marché. Néanmoins, seulement 1% des ménages en sont équipés.

Les robinetteries : le mitigeur, un équipement pratique et économe

Les mitigeurs sont préférés aux mélangeurs, désormais perçus comme désuets. Le mitigeur thermostatique est considéré comme la solution idéale en termes de température et de confort. C’est également une robinetterie plus économe. Elle reste rare sur les éviers et les lavabos (1%), alors que le tiers des baignoires et des douches en est équipé (32%). Son succès tient à sa praticité, au maintien du confort et à son prix abordable. Les équipements balnéos restent rares. Seuls 4% des ménages en sont équipés. Il s’agit surtout d’une clientèle « haut-de-gamme ».

Peu de problèmes ou de préoccupations

Très peu de ménages (4%) évoquent des problèmes d’ECS dans leur logement. Ils sont globalement satisfaits : 95% considèrent qu’ils disposent de suffisamment d’eau chaude et seuls 10% déclarent des problèmes de débit d’eau. Néanmoins, l’eau chaude se fait souvent attendre au robinet, dans la salle de bain (82%) et dans la cuisine (78%). L’éloignement entre les points de puisage et le système de production est perçu comme le principal facteur de perte. La plupart des appareils de production s’avèrent peu contraignants, que ce soit pour la maintenance ou la prise en main. D’une façon générale, le peu de contraintes ne favorise ni l’attention ni la maîtrise technique des appareils.

Les problèmes évoqués concernent surtout les robinetteries : 26% des ménages ont des problèmes d’entartrage, 14% de fuites, 9% de température inconstante, 7% ont du mal à fermer les robinets et 4% à les ouvrir, et 4% ont des problèmes de bruit. Au total, près d’un ménage sur deux a déclaré avoir au moins un problème de robinetterie.

Des coûts largement méconnus

Les ménages déclarent être attentifs à leurs consommations, qu’ils suivent par les factures d’électricité (77%), d’eau (70%) et de gaz (64%). Plus de 80% estiment être suffisamment informés sur les manières de réaliser des économies d’énergie et d’eau. Un ménage sur deux envisage de réduire sa consommation d’ECS et plus d’un tiers des ménages ont des problèmes pour payer les factures ou les dettes. Pourtant, le coût de l’ECS est largement méconnu. Il est difficile à évaluer précisément, intégrant les volumes et le coût de l’eau froide ainsi que le coût de l’énergie pour la chauffer, sans compter le coût de l’entretien, obligatoire pour les systèmes au gaz. Les ménages ont des avis partagés sur le coût de l’ECS, autant la considèrent chère que peu chère. En moyenne, ils surestiment légèrement sa part dans la facture d’énergie : ils la situent à 19% alors qu’elle est en moyenne de 10 à 15%, mais cette estimation s’approche de la réalité.

Le choix des équipements : une logique de remplacement et de prix

Les équipements assurent généralement de façon durable leur fonction première. Le dysfonctionnement ou la panne sont les principaux facteurs qui poussent les ménages au remplacement des équipements. Même si le prix est un critère de premier ordre, les ménages expriment aussi des exigences en termes d’efficacité, de durabilité et d’esthétique pour choisir un nouvel équipement. L’éthique (réduire son impact environnemental) joue également un rôle important dans l’esprit des consommateurs, tout comme les conseils donnés par les proches ou les professionnels. Autre constat : la recherche du confort ou celle du plaisir sont souvent antinomiques avec la réalisation d’économies ou la maîtrise de l’énergie.

L’Eau Chaude Sanitaire face à la performance énergétique, infléchir  les pratiques sociales….

Les usages de l’ECS : le poids des représentations et des normes sociales

Les usages domestiques de l’eau chaude se concentrent autour de trois activités principales : l’hygiène corporelle, la préparation culinaire et les tâches ménagères. Ces usages sont à la fois statiques (inertie des routines, reproduction plus ou moins machinale de gestes, notamment appris pendant l’enfance) et dynamiques (développement et acquisition de nouveaux usages). Si l’attention aux consommations d’eau relève d’abord du « bon sens » (79%), elle tient aussi à l’éducation (75%), plus souvent qu’à la conviction (60%). L’enfance est un moment d’intériorisation des règles et la maîtrise de l’eau peut représenter un principe éducatif. Durant l’enfance, l’utilisation de l’ECS est sous le contrôle des parents. A l’adolescence, le besoin d’intimité et le souci de l’apparence allongent le temps de la douche et de l’occupation de la salle de bain. Le passage à l’âge adulte marque une prise de conscience des consommations et du coût de l’ECS (cette responsabilisation est d’ailleurs favorable à la maîtrise de l’énergie). La vie conjugale implique une confrontation de normes et les pratiques résultent de compromis plus ou moins favorables à la maîtrise des consommations. L’évolution de la composition du ménage (arrivée d’un bébé, prise en charge de parents ou d’amis) a aussi des effets sur les consommations et sur les modes d’utilisation des équipements.

L’hygiène corporelle : entre nécessité et plaisir

Premier pôle de consommation d’ECS, la douche quotidienne est devenue une norme sociale. Deux tiers des personnes interrogées Online prennent au moins une douche par jour (10% en prennent deux par jour). En moyenne, la durée d’une douche est de 8 minutes (de 5 et 10 minutes dans 52% des cas). La douche est préférée au bain, d’abord pour économiser l’eau (35%), pour son côté pratique (27%) et pour gagner du temps (20%), plus rarement pour le plaisir (9%). Pourtant, entre hygiène et plaisir, il existe plusieurs types de douches, selon les mobiles ou les valeurs qui leur sont associés. Cette pratique renvoie donc à plusieurs fonctions, mais elle reste attachée à l’hygiène corporelle, qui fonctionne comme un impératif dans nos sociétés contemporaines.

La pratique du bain renvoie surtout à une logique de plaisir. Plus d’une personne sur trois déclare prendre un bain une fois par semaine. Celui-ci dure généralement entre 10 et 30 minutes. La « toilette de chat », au gant, est une pratique répandue qui correspond à un besoin d’hygiène ciblé ou un désir de « se rafraîchir » rapidement. C’est une pratique économe et rapide, répandue chez les personnes âgées et les ménages en situation de précarité énergétique. Au contraire, le lavage des cheveux est gourmand en ECS. En moyenne, on se lave les cheveux deux à trois fois par semaine, ce qui augmente le temps de la douche (les 5-10 minutes se transforment en 15-30 minutes). Il existe enfin des « petits usages annexes » de l’ECS, par exemple : l’eau tiède utilisée pour se laver le visage, les mains voire les dents. De manière générale, la température de l’eau est adaptée aux conditions extérieures et intérieures du logement. Les douches sont plus fréquentes en été (76%), plus longues (39%) et plus chaudes (65%) en hiver.

L’eau chaude dans la cuisine : des usages restreints

Dans la cuisine, les usages de l’ECS sont limités. Il existe une certaine méfiance vis-à-vis de la qualité et de la potabilité de l’ECS. Elle est rarement directement puisée et utilisée pour préparer une soupe, un café ou un thé. Faire bouillir de l’eau est une pratique fréquente qui renvoie à deux logiques distinctes ; exclure les risques sanitaires en faisant bouillir de l’eau (froide ou chaude) puisée au robinet ; réaliser des économies de temps, voire d’énergie, en faisant bouillir de l’eau déjà chaude. Les légumes et les fruits sont exclusivement rincés ou lavés à l’eau froide.

Les tâches ménagères ou les vertus de l’ECS

L’eau chaude possède des vertus qui facilitent les activités ménagères. Elle est considérée comme permettant de nettoyer plus efficacement (pouvoir dissolvant, dégraissant, détachant). Elle offre un gain de temps et d’effort. Elle procure du confort et du bien-être lors des tâches ménagères.

Pour la lessive, l’ECS permet de traiter les cas particuliers : 17% des ménages déclarent laver de temps à autre du linge à la main, notamment pour prélaver le linge particulièrement tâché. Toutefois, selon certains enquêtés, l’eau chaude présente des aspects nocifs : elle peut « délaver » ou « faire rétrécir » le linge, c’est pour cela que l’utilisation des programmes à 40°C de la machine à laver est largement répandue (rappelons que 96% des ménages ont un lave-linge). Près d’un ménage sur deux fait l’intégralité de la vaisselle à la main quotidiennement. Même si 64% des français disposent d’un lave-vaisselle, les ustensiles volumineux ou fragiles sont généralement lavés à la main. Le bain ou le filet d’eau, pour prélaver la vaisselle, vient aussi très souvent aider/favoriser l’action de la machine.

Des incertitudes et des arbitrages compliqués dans l’utilisation des machines

Les ménages s’interrogent sur la performance réelle des équipements qui utilisent de l’eau chaude. Par exemple, vaut-il mieux une machine pleine ou en demi-charge pour consommer le moins d’électricité et d’eau possible ? Dans quelle mesure la vaisselle à la main est-elle plus économe que l’utilisation du lave-vaisselle ? Le « mode éco » est-il vraiment éco ? À cela s’ajoutent des doutes concernant l’efficacité du lavage en mode éco (lave-vaisselle, lave-linge). Du point de vue des risques sanitaires, les ménages considèrent l’ECS impropre à la consommation, mais ils perçoivent très peu les risques de légionellose ou même de brûlure.

Des petits gestes économes : une question de bon sens

Fermer les robinets est le geste économe par excellence. Pourtant, les ménages laissent couler l’eau pendant le lavage des mains (60%), le savonnage sous la douche (36%), la vaisselle à la main (35%), le brossage des dents (18%), le rasage (14%). D’autres gestes économes consistent à réutiliser l’ECS usée, comme par exemple en partageant l’eau du bain ou encore pour arroser les plantes. Entre économie et confort, ces petits gestes économes impliquent peu d’efforts physiques et intellectuels. Ils révèlent par ailleurs la montée de la préoccupation environnementale des ménages.

La gestion des savoirs : entre délégation et auto-apprentissage

Qu’il s’agisse de la robinetterie ou, surtout, des systèmes de production d’ECS, la gestion/maintenance des équipements est un domaine éloigné des ménages et largement délégué aux professionnels. Si les équipements de l’ECS sont très faciles à utiliser, les installateurs conseillent généralement de « ne rien toucher». Cette mise à distance contribue à une perte de maîtrise sur les équipements et les consommations.

Les projets de construction/rénovation de l’habitat semblent être un moment propice pour aider les ménages à mieux comprendre et à prendre en main les équipements d’ECS. De manière plus courante, la tendance est d’avoir confiance dans la technique (« c’est mon équipement qui gère ») et de s’en remettre à un tiers jugé compétent (amis, professionnels). Dans cette logique, le plombier/chauffagiste, professionnel de proximité, disposant d’un bon capital de confiance, occupe un rôle central dans la prescription des équipements.

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La MDE dans les pratiques des professionnels de l’ECS : une faible contribution à l’évolution du marché

Les installateurs, les fabricants et les distributeurs interrogés se montrent peu sensibles au poste ECS qui ne représente en général qu’une part modeste de leurs activités. Le marché apparaît très segmenté selon des familles de produits (production d’ECS ou robinetterie), quelques marques de produits spécifiques, mais aussi des types de clientèles (résidentiel, tertiaire, haut-de-gamme, etc.).

Les professionnels interrogés s’inscrivent tous dans une logique de l’offre. Ils valorisent les solutions connues et maîtrisées. La formation ne représente pas un enjeu fort pour eux, d’autant qu’ils considèrent que leurs compétences sont suffisantes dans le domaine. Le positionnement des installateurs, notamment les plombiers-chauffagistes, est davantage centré sur la vente et l’installation que sur le conseil et l’accompagnement des clients vers des équipements économes. Pour eux, la MDE n’est pas un argument de vente suffisant face à la réputation d’une marque. Ils préfèrent prescrire les équipements éprouvés ou à la mode (ex : douche italienne), plutôt que prendre des risques sur des produits innovants ou méconnus.

L’enquête Online confirme le rôle central des plombiers-chauffagistes dans la prescription des solutions techniques. Pour les ménages, ce sont des professionnels de confiance pour choisir les équipements de production (61%), les systèmes de douche et de bain (44%) et la robinetterie (41%). Ils sont sollicités par plus d’un tiers des ménages pour installer ces équipements. Les autres « conseillers » privilégiés par les ménages sont les vendeurs des grandes surfaces de vente, mais aussi internet. Dans tous les cas, la maîtrise de l’énergie est négligée dans les solutions ou les formes d’accompagnement proposées.

En conclusion

Pratique anodine, voire invisible, la consommation d’eau chaude est en fait un objet complexe, révélateur de nos rapports au monde, c’est à dire à la technique et aux normes de nos sociétés modernes. Les pratiques d’usage de l’ECS sont la conséquence d’une délicate synchronisation entre l’environnement humain et l’environnement technique, entre vouloir et pouvoir, entre utilité et plaisir. Une articulation qui s’effectue à plusieurs échelles : celle des imaginaires et des représentations sociales, de la confrontation des pratiques avec la technique, celle des réseaux, des relations sociales et des rapports aux professionnels, enfin celle des saisons, des prix, du marché et des politiques publiques. Tout au long de l’étude, est ressorti le rôle central de la technique, qui facilite ou contraint, qui oriente, voire détermine, les pratiques d’usage de l’eau chaude sanitaire, encastrées, objectivées, dans les équipements techniques, réduisant souvent les marges de manœuvre des utilisateurs. De même, les aspects financiers sont déterminants des usages et des équipements, tant ils contraignent les ménages dans leurs capacités à consommer ou, paradoxalement, à économiser l’eau et l’énergie. Enfin, les ménages sont soumis à des injonctions contradictoires : consommer et économiser l’énergie et l’eau ; accroître son confort, profiter des plaisirs de l’eau chaude, et adopter des comportements économes et sobres. L’ECS reste porteuse d’un message qui associe « confort », « plaisir » et « consommer sans modération ». Les produits économes, en mettant l’accent sur la seule maîtrise de l’énergie, peuvent paraître en décalage avec les valeurs hédonistes de la société de consommation. Confort et économie doivent aller de pair. Au quotidien, les ménages doivent faire des choix entre plusieurs options (pratiques et techniques), sans jamais savoir exactement quelle est la bonne solution. Ils s’en remettent à leur expérience, à leur éducation, aux conseils de leurs proches et des professionnels, ou à la technique.

Optimiser les pratiques sociales en matière d’eau chaude sanitaire, implique d’agir sur tous les éléments du système sociotechnique : les dispositions des acteurs, les savoirs, les techniques et les normes sociales. Le changement implique de « tenir ensemble » l’intérêt, la technique et les valeurs qui fondent les pratiques concrètes. Un des enjeux repose sur la montée en compétence technique des ménages. Les actions de conseil des professionnels en matière d’économies d’énergie restent à développer. Enfin, l’optimisation des pratiques de l’ECS passe aussi par la conception de solutions techniques économes. Plus largement, L’objectif de sobriété reste à inscrire dans les discours et les valeurs qui orientent nos modes de vie. Dans tous les cas, sans une offre (les équipements présents sur le marché) en cohérence avec le projet de performance énergétique, les ménages auront du mal à être vertueux (économes).


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