Transition énergétique : peu de moyens pour atteindre les objectifs
Après la présentation du projet de loi de programmation sur la transition énergétique par le gouvernement, pour l’association négaWatt, si l'ambition des objectifs introduits pour le long terme est salutaire, les moyens proposés manquent de force et de cohérence pour engager la France sur la bonne trajectoire.
Pour l’association, le projet de loi se dirige dans les bonnes orientations. En effet, la loi sur la transition énergétique doit avant tout fixer clairement un cap en matière de maîtrise de la consommation d’énergie et de réorientation de la production. En fixant un objectif de 50 % d'économie en énergie finale à l'horizon 2050, en reprenant l'engagement présidentiel de réduction de la part du nucléaire à 50 % à l'horizon 2025, et en introduisant des objectifs intermédiaires à 2030 sur la baisse des énergies fossiles et sur le développement des énergies renouvelables - même si les chiffres retenus prêtent à discussion.
L'analyse menée à partir des nombreux scénarios qui ont été examinés durant le débat national sur la transition énergétique l'a bien montré : seules les trajectoires s'inscrivant dans de tels objectifs permettent à la fois de respecter les engagements climatiques (division par 4 des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050) et de tirer le plus grand bénéfice de la transformation de notre système énergétique, notamment en termes de réduction de la facture énergétique et de création d'emplois.
Le scénario proposé par négaWatt*, et d'autres comme celui de l'ADEME, montrent comment cette trajectoire de l'intelligence énergétique peut être mise en œuvre. Or, c'est bien une feuille de route de cette nature qui fait défaut dans le texte actuel : il y a besoin d'une part d'une clarification du rythme et des priorités dans les transformations à opérer, d'autre part d'un ensemble de mesures cohérentes pour impulser et financer leur réalisation.
Sur le premier point, la loi se repose essentiellement sur le futur dispositif dit de « programmation pluriannuelle de l'énergie », dont les conditions d'élaboration et de validation devront nécessairement être pluralistes si l'on veut sortir des logiques de court terme et prendre véritablement le chemin de la transition énergétique. Sur le second, le projet de loi apparaît comme un patchwork inachevé de mesures intéressantes (obligation de rénovation thermique, droit à l'initiative des territoires, …) et d'autres insuffisantes voire dangereuses (remise en cause des tarifs d'achat pour le solaire et l'éolien, absence étonnante de soutien fort aux transports collectifs, …). Le débat parlementaire ne sera pas de trop pour donner sa cohérence au « nouveau modèle énergétique » invoqué par la Ministre.
L'Association négaWatt prendra toute sa part à ce débat afin d'essayer de donner à la loi un contenu conforme à l'ambition affichée. Nous proposerons prochainement un décryptage des dispositions prévues dans le projet de loi qui pourra nourrir la représentation nationale en amendements dûment argumentés.
En matière d’énergie, toutes les prévisions restent fondées sur l’hypothèse que la croissance économique des années passées va continuer au cours du 21e siècle.
Comme si...
Comme si cette croissance pouvait perdurer à jamais dans le cadre limité de notre biosphère.
Comme si notre consommation d’énergie devait croitre indéfiniment, et la production correspondante indéfiniment suivre !
Pourtant, à l’évidence, ce n’est pas possible :
- les réserves d’énergies fossiles sont dérisoires : quelques décennies de pétrole et de gaz au rythme de consommation actuel, un peu plus pour le charbon. C’est très peu au regard du temps nécessaire à la transformation de nos systèmes énergétiques ;
- même les prévisions les plus “optimistes” du Conseil Mondial de l’Énergie évaluent au maximum à 8 % la part du nucléaire dans le bilan mondial en 2050. L’énergie nucléaire n’est donc une solution ni au problème de l’effet de serre, ni à l’épuisement des énergies fossiles. Quelle que soit sa contribution future, le problème des déchets et le risque d’un accident majeur constitueront toujours une menace considérable, et la prolifération des matières radioactives une entrave à la paix ;
- la plupart des technologies promettant l’abondance énergétique (fusion, centrales solaires sur orbite, surgénérateurs...) ne verront au mieux le jour que dans un demi-siècle. Si tant est qu’elles puissent tenir leurs promesses, elles seront de toutes façons très coûteuses. L’humanité ne peut faire le pari d’attendre les bras croisés : nous devons agir dès aujourd’hui ;
- le spectre de la pénurie dans les pays riches conduira de plus en plus à la guerre pour le contrôle des ressources d’énergie. Si rien ne change, toutes les stratégies énergétiques mondiales mèneront à la marginalisation définitive des pays les plus pauvres.
Mais sans énergie, pas de vie, pas de développement !
Or, aujourd'hui, sur notre planète, la surconsommation la plus débridée côtoie des pénuries criantes : un citoyen américain consomme à lui seul 8 tonnes d’équivalent-pétrole par an, alors qu’un habitant du Bangladesh doit vivre avec 40 fois moins.
La consommation d'électricité est encore plus inégale : plus de 7000 kWh par an et par personne en France(1), contre … 52 kWh seulement en Ethiopie, soit 130 fois moins !
Et un tiers de la population mondiale reste tout simplement privée d’électricité.
Comment en est-on arrivé là ?
L’explosion énergétique
La consommation mondiale d’énergie est restée très longtemps stable lorsque l’homme n’utilisait l’énergie que pour sa survie et ses besoins alimentaires.
À partir de 1850 la révolution industrielle a provoqué une augmentation brutale des besoins en énergie. Celle-ci n'a cessé ensuite de croître de façon explosive sous l'effet conjoint de l'augmentation du niveau de vie et la croissance simultanée de la population.
Actuellement la demande mondiale d'énergie croît de 2 % par an en moyenne. Elle a tendance à ralentir dans les pays industrialisés, mais augmente dans les pays émergents.
En France, après plusieurs décennies d'augmentation, la consommation d'énergie tend à se stabiliser depuis quelques années. Ce constat se retrouve également sur la consommation d'électricité en France, qui se stabilise depuis 2011.
Alors qu'elle était inférieure à ses voisins allemands et anglais dans les années 1960 et 1970, la consommation d'électricité par habitant a continué à croître en France dans les années 1980, 1990 et 2000. Elle est aujourd'hui une des plus élevées d'Europe.
Cette consommation par habitant inclut les consommations domestiques mais également celles des secteurs de l'industrie, de l'agriculture, des transports et du tertiaire.
Ces enjeux énergétiques, si cruciaux qu'ils soient, ne sont malheureusement pas les seuls. La majeure partie de l'énergie que nous consommons entraîne une pollution à grande échelle de notre planète.
Énergie et pollution
La consommation d’énergies fossiles est une des principales sources de la dégradation de l'environnement.
Les gaz qui augmentent l'effet de serre (CO2, CH4, NOx, SO2), entraînant le dérèglement climatique, sont principalement issus de la combustion des carburants fossiles, de l'activité industrielle et de la déforestation.
Certains gaz utilisés pour la production de froid et la climatisation des habitations et des automobiles provoquent une dégradation de la couche d'ozone qui laisse alors passer les rayons UV-B. Ces rayons peuvent avoir des effets nocifs sur l'écosystème mais aussi sur la santé.
Les pluies acides sont une forme de pollution atmosphérique causée par les oxydes de soufre et les oxydes d'azote. Ces gaz, principalement issus des usines et des automobiles, acidifient les nuages et retombent sous forme de pluies qui affectent gravement les écosystèmes.
Les déchets nucléaires issus de la production d'énergie atomique représentent un risque sans précédent pour les générations à venir, certains restant en activité pendant des milliers d'années. À l'heure actuelle, aucune solution n'a été trouvée pour les retraiter de façon satisfaisante. Ni l'enfouissement ni le stockage ne peuvent être considérés comme durablement fiables.
La déforestation à des fins de production d'énergie est une des principales causes de la désertification des sols. En plus des grandes famines qui en résultent déjà, l'accroissement démographique rend extrêmement préoccupante la perte de terres productives au profit du désert.
Face à ces constats, nous avons un impératif, mais aussi une raison d’espérer : changer notre regard sur l’énergie. Mieux consommer au lieu de produire plus. Cette démarche de bon sens permet de découvrir une ressource, nouvelle et cachée, mais gigantesque : les négaWatts, qui représentent l’énergie non consommée grâce à un usage plus sobre et plus efficace de l’énergie.
Seule l'utilisation de toutes les formes d'énergies renouvelables (solaire, éolien, hydraulique, géothermie, bois et biomasse) et une augmentation de l’efficacité énergétique permettront d'éviter de piller définitivement notre planète pour nos seuls besoins immédiats.
(1) Source : RTE - Données incluant à la fois les consommations domestiques mais également celles des secteurs de l'industrie, de l'agriculture, des transports et du tertiaire