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Pour maîtriser les coûts liés à la mobilité, les résidents périurbains exploitent les ressources de proximité

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Pour maîtriser les coûts liés à la mobilité, les résidents périurbains exploitent les ressources de proximité

Pour maîtriser les coûts liés à la mobilité, les résidents périurbains exploitent les ressources de proximité

Dans une publication de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme, intitulée « La mobilité dans le périurbain : désir d’ancrage et nouvelles proximités », les résidants des zones périurbaines tentent d’exploiter de plus en plus les ressources de leur proximité en raison d’un fort besoin d’ancrage et surtout afin de maîtriser les coûts inhérents à leur mobilité.

Opposé à la ville dense, le périurbain est constamment décrié comme consommateur d’énergie et d’espace. En Île-de-France, la périurbanisation a démarré dès la fin des années 1960, et l’étalement urbain semble aujourd’hui globalement contenu. Durant ces quarante dernières années, le périurbain francilien a profondément changé.
Après une phase d’explosion démographique allant jusqu’à la fin des années 1980, son développement a commencé à ralentir. Un tassement plus précoce dans les secteurs de l’Ouest francilien, qui s’est accompagné d’un déplacement vers les secteurs plus ruraux de la Seine-et-Marne. Depuis les années 1990, la maîtrise de l’étalement urbain a permis une mutation progressive de ces espaces.
Aujourd’hui, le périurbain francilien se recompose dans ses formes, ses pratiques, et laisse entrevoir un rapport plus « ancré » au territoire, qui s’illustre notamment par un recentrage des activités autour du lieu de résidence. Rompant avec le modèle centre/périphérie, les espaces périurbains atteignent une forme de maturité (Rougé, 2012).
Avec le temps, le profil des ménages s’est diversifié, effaçant le stéréotype des classes moyennes et des familles nombreuses habitant les zones périurbaines lointaines. Les séparations et les décohabitations des enfants ont entraîné un accroissement des petits ménages de célibataires et de familles monoparentales. La structure par âge du périurbain est aujourd’hui aussi variée que celle de l’agglomération. Et si les inégalités de revenus persistent entre le périurbain yvelinois et les franges rurales de l’Est francilien, c’est au coeur de l’agglomération qu’elles se creusent.


Une approche quantitative et qualitative

Afin non seulement d’observer, mais de comprendre l’évolution des pratiques de mobilité des habitants du périurbain, l’IAU îdF a livré, à partir des enquêtes globales transport de 1976 à 2010 (Stif, DRIEA), une analyse quantitative de la mobilité. En s’appuyant sur un découpage morphologique du territoire francilien (Bertrand, Dugué, 2007), la démarche vise à étudier comment s’adaptent les comportements au fur et à mesure que l’habitat devient moins dense. Celle-ci a été approfondie par une approche qualitative sous la forme de 60 entretiens en face à face dans trois secteurs de Seine-et-Marne : Brie-Comte-Robert, Villeneuve-le- Comte et Coulommiers. Ces entretiens, menés par Alix Cariou et Jean Teiller, étudiants en urbanisme à l’université Panthéon-Sorbonne, ont été complétés par deux groupes de discussion, offrant un temps de débat aux participants. Cette recherche a été réalisée dans le cadre d’un appel à projet financé par le Programme de recherche et d’innovation dans les transports terrestres (Prédit).

Une vie sociale aussi riche que dans l’agglomération

Parallèlement aux évolutions sociodémographiques, les diffé- rences de modes de vie tendent également à s’effacer, bien que le centre de l’agglomération (Paris et quelques communes limitrophes denses) continue à se distinguer par la richesse et l’intensité des activités de ses habitants.
En 2010, les habitants du périurbain ont des programmes journaliers aussi denses, aussi intenses, aussi variés en termes d’activités pratiquées que l’ensemble des Franciliens vivant à l’extérieur de Paris. Sous de nombreux aspects, ce sont les Parisiens qui présentent des comportements atypiques en Île-de-France, tandis que les autres Franciliens ont des habitudes de mobilité très proches les unes des autres, avec un réel continuum dans les modes de vie.
Ainsi, les habitants du périurbain pratiquent, par exemple, autant de loisirs, sortent aussi souvent le soir que les habitants des franges de l’agglomération ou de communes plus denses. Ils réalisent autant d’achats exceptionnels, hebdomadaires ou quotidiens, que les autres Franciliens.
Les lieux d’achat, eux, sont assez différents. La faible densité de population dans le périurbain a en effet été propice au développement du commerce de proximité ou des petits supermarchés, contrairement aux franges de l’agglomération où les hypermarchés et grandes surfaces commerciales sont fréquents. Ainsi, 43% des achats des habitants des communes rurales sont effectués dans les petits commerces. Dans toute l’Île de- France, seul Paris dépasse cette proportion.

Un espace de vie qui se reconcentre
En revanche, pour leurs activités, les habitants du périurbain parcourent des distances en moyenne deux fois plus longues que dans le reste de l’agglomération. En 2010, 10% d’entre eux cumulent plus de 80 km sur une journée, un type de comportement extrêmement rare dans l’agglomération. Le périurbain était, jusque dans les années 2000, la seule zone où les distances continuaient encore fortement de croître, alors qu’elles étaient stabilisées dans toute l’agglomération depuis les années 1970, entraînant un espace de vie de plus en plus étendu, quel que soit le motif du déplacement.
En 2010, les distances se stabilisent. La longueur moyenne d’un déplacement est même en légère baisse. Pour la première fois, les périmètres vécus se reconcentrent, pour tous les motifs autres que le travail, faisant écho au désir d’ancrage des périurbains exprimé dans les entretiens qualitatifs.

Pour maîtriser les coûts liés à la mobilité, les résidents périurbains exploitent les ressources de proximité

Une temporalité similaire :

Par ailleurs, pour la première fois depuis les années 1970, la vitesse moyenne d’un déplacement dans le périurbain est en baisse. Cette évolution est le résultat de plusieurs phénomènes qui se cumulent : la congestion de plus en plus courante dans de nombreuses villes, la réglementation du stationnement, le plus grand respect des limitations de vitesse, ainsi que l’aménagement de nombreuses voiries (zone 30, voie de bus, piste cyclable, etc.), limitant la vitesse des véhicules particuliers.
Malgré cette baisse, les vitesses restent encore aujourd’hui plus élevées en moyenne dans le périurbain que dans l’agglomération. Ainsi, les habitants parviennent à parcourir des distances plus longues en des temps équivalents à ceux des zones plus denses, et ont ainsi des « budgets-temps » quasiment identiques à ceux de l’agglomération. Le périurbain est également la zone ayant le plus d’habitants effectuant des temps de trajets très courts, avec plus du quart de sa population passant moins de 30 minutes à se déplacer.

Un usage massif de l’automobile... mais en voie de stabilisation

Les habitants du périurbain parviennent à réaliser des programmes d’activités comparables à ceux des autres zones extérieures au centre, en des temps de déplacements similaires, grâce à un usage massif de l’automobile.
Comme cela a été largement décrit dans la littérature, le développement de l’automobile est la source de l’explosion périurbaine (Orfeuil, 2000 ; le « pack périurbain », Cailly, 2008). En 2010, alors qu’elle est stabilisée en moyenne sur l’ensemble de l’Île-de-France, la mobilité automobile (nombre de déplacements par jour et par personne opérés en véhicules particuliers) augmente encore dans le périurbain.
La mobilité automobile baisse depuis les années 1990 à Paris, et depuis les années 2000 en petite couronne. En revanche, elle augmente encore aujourd’hui dans les franges d’agglomération et le périurbain, qui se retrouvent, en 2010, avec une mobilité automobile identique. À l’inverse, la mobilité en transports collectifs augmente partout sauf dans le périurbain. Enfin, on constate en 2010 que la mobilité piétonne dans le périurbain rattrape celle des franges de l’agglomération. Elle se situait nettement en dessous en 2001.
Cependant, des changements commencent à apparaître. En ce qui concerne les déplacements domicile-travail, en particulier, la part modale de la voiture est dorénavant stabilisée jusque dans le périurbain, voire même en légère baisse. Le poids de la voiture représentait en effet 76% des déplacements à destination du travail en 2001. Elle n’en représente plus que 73% en 2010, principalement au profit de la marche à pied, solution simple aux problèmes de saturation et de stationnement des petits bourgs et centres-ville. Pour ce qui est des seuls modes mécanisés, le poids de la voiture reste stable.

Un équilibre négocié différemment à chaque âge

L’éloignement impacte de façon inégale les différentes tranches d’âge. Chez les jeunes, la capacité et l’envie de se déplacer semblent liées à une forme d’apprentissage initiée dès l’enfance. Les actifs, dont la mobilité est souvent conditionnée par de longs déplacements domicile-travail, aspirent à un ancrage local et à des pratiques quotidiennes de proximité. Enfin, les seniors peuvent adopter un mode de vie quasi rural, ou devenir au contraire très captifs de la voiture. À ces différenciations démographiques et sociales s’ajoutent des effets de contextes, principalement liés à la taille des territoires périurbains, à la variété des contraintes et à la diversité des ressources.


Les jeunes : une maîtrise inégale de la mobilité

Pour être indépendants, les jeunes sont souvent tributaires des transports collectifs, mais, au-delà de la qualité de l’offre, on remarque des niveaux de compétences et d’appétence à vouloir bouger qui varient en fonction de leur éducation, d’une autonomie autorisée, favorisée et acquise plus ou moins tôt. Les différences de niveaux de compétences, à savoir « l’outillage affectif et cognitif » (Le Breton, 2012) ont un impact sur les distances parcourues et l’intensité du programme d’activités. Les jeunes vont ainsi circuler d’autant plus facilement qu’ils auront eu l’habitude de bouger avec leurs proches, et que l’usage des modes de transport est banalisé. La débrouillardise dont font preuve certains semble faire défaut à d’autres, une attitude qui, à l’âge des choix d’orientation ou au moment de la recherche d’un emploi, va creuser les écarts entre des jeunes captifs de leur territoire, et d’autres plus aventureux. Pour les premiers, l’insécurité, parfois fantasmée, de certaines lignes de train, est mise en avant pour justifier leur captivité. À l’insécurité peut s’ajouter une appréhension liée à la complexité du réseau et à la peur de se perdre.
La fréquentation de Paris reflète ces différences. Certains jeunes de Coulommiers s’y sont rendus seuls, sans leurs parents, pour la première fois à l’âge de 14 ans. Ils y reviennent régulièrement, tandis que d’autres ont découvert la capitale tardivement, à l’occasion d’un déplacement touristique avec la famille venue de province. Les études supérieures constituent une étape dans l’apprentissage de la mobilité et instaurent souvent des écarts décisifs. L’obligation de s’éloigner pour leurs études les amène à découvrir d’autres territoires et les incite à une plus grande mobilité. À l’inverse, les plus de 18 ans qui ne font pas d’études, et sont souvent issus d’un milieu social défavorisé, ont un périmètre de déplacement plus restreint. Ils partent rarement en vacances et expriment une forte appréhension à l’idée de s’éloigner. Pour certains, ces craintes, en réduisant leurs aptitudes à se mouvoir, seront un obstacle à la recherche d’un emploi. « La mobilité s’apprend, mais elle n’est enseignée nulle part. » (Le Breton, 2012).


Les actifs : équilibre entre navette domicile-travail et désir d’ancrage

Trois types de profils se dégagent parmi les actifs. Les natifs de la commune ou de ses alentours expriment un lien ancien et affectif à leur lieu de vie. Ils sont attachés au patrimoine familial et local, à la « ruralité » du territoire et à son histoire. Une ruralité faite d’entraide, de solidarités, qu’ils opposent à l’anonymat et à la solitude des villes denses. Une ruralité faite de paysages remparts et dont la pérennité est parfois garantie par l’absence de gare.
Un autre profil est celui des ménages qui se sont installés dans le périurbain à la recherche d’un épanouissement familial (Sencébé, 2012), en quête d’un environnement de qualité pour leurs enfants (Rougé, 2012). Ils y vivent depuis quelques années, sont bien insérés dans leur commune, fréquentent les commerces de proximité, s’investissent dans la vie associative et développent un réseau social. Cet ancrage se traduit par des activités recentrées autour de leur résidence, comme pour compenser parfois les longues distances parcourues pour se rendre au travail.
A contrario, les nouveaux arrivants, parfois « relégués » dans des zones pavillonnaires aux limites de la ville, et peu intégrés au reste de la commune, montrent un ancrage plus timide et des signes de captivité. Pour l’ensemble de ces actifs du périurbain, la mobilité est une condition assumée et maîtrisée d’un mode de vie auquel ils sont attachés. Conscients de leur dépendance à la voiture, ils s’adaptent au coût qu’elle représente en mettant en place des stratégies pour en optimiser leur consommation : choisir un véhicule plus économe, organiser leurs déplacements ou diminuer les activités au profit de loisirs domestiques. Des stratégies individuelles complétées par une solidarité faite d’entraide, et qui participe à leur capacité de résistance. Même les plus fragiles envisagent rarement le retour en zone dense, lui préférant une relocalisation périurbaine moins dépendante de la voiture, vers des lieux mieux équipés.


Les seniors : le capital social comme ressource

Fortement ancrés, les retraités se sont constitué peu à peu un capital social qui leur permet d’envisager plus sereinement leur fin de vie : ils ont souvent un réseau solide de connaissances vivant à proximité et savent qu’ils peuvent leur demander de l’aide. La famille joue également un rôle central dans la mobilité résidentielle. On se rapproche des enfants à l’âge de la retraite pour des raisons affectives évidentes, et s’installent alors des mécanismes d’entraide. Les jeunes retraités s’occupent de leurs petits- enfants le mercredi ou le soir après l’école, évitant ainsi aux parents d’embaucher une nourrice.
Cette solidarité s’inverse avec l’âge. Ainsi, lorsque les retraités perdent en autonomie et en capacité de se déplacer, les enfants leur font quelques courses et les conduisent chez le médecin. Cette solidarité familiale permet aux personnes âgées de repousser le moment du départ en maison de retraite et de compenser le manque de solidarité intergénérationnelle avec le voisinage, que déplorent les enquêtés : « Les jeunes, ils partent le matin, ils rentrent le soir, on ne les voit pas. » Ainsi, ceux qui n’ont pas de famille à proximité expriment une forte inquiétude quant à l’avenir, en termes de difficultés à se déplacer : « Là, je me débrouille, mais jusqu’à quand ? Je me suis mis d’accord avec ma fille : si un jour ça coince, elle me place et, hop, elle vend la maison, et voilà, c’est tout. Je ne veux pas être une contrainte pour elle. »

Pour maîtriser les coûts liés à la mobilité, les résidents périurbains exploitent les ressources de proximité

La voiture, symbole d’une dernière autonomie

C’est la voiture qui offre aux seniors l’autonomie qui leur permet de continuer à vivre dans l’environnement périurbain. Pour certains, elle incarne même l’ultime moyen de se mouvoir, comme l’illustre le cas de cet homme : à 78 ans, alors qu’il peine à marcher plus de cent mètres, il continue à conduire, notamment pour se rendre dans la zone commerciale, facilement accessible en véhicule. Pour lui, proximité et accessibilité sont bien deux notions différentes, les quelques mètres qui le séparent de l’épicerie du quartier étant infranchissables : « Je mets trop de temps à traverser la rue et les trous dans le trottoir sont comme des cratères pour moi. » Inadaptés à leurs pratiques, les transports en commun sont également critiqués pour leur manque d’accessibilité et de confort.
L’automobile devient ainsi une sorte de prothèse, et la conduite à un âge avancé n’est pas sans poser des problèmes de sécurité. Par ailleurs, si la plus ou moins grande offre de services et de commerces de proximité paraît insatisfaisante aux yeux des plus jeunes, les personnes âgées la qualifient de parfaite : « Il y a tout, ici, un boulanger, un boucher, une petite épicerie et deux médecins, que demander de plus ? » Dans ces petits bourgs, l’offre en logements adaptés aux personnes âgées semble essentielle, leur permettant ainsi de quitter le pavillon familial, excentré et devenu trop difficile à entretenir.

Réconcilier proximité et accessibilité

La faiblesse de la desserte en transports publics nécessite, pour les personnes non motorisées, de bénéficier d’une offre de proximité, mais cette notion de proximité est souvent bousculée par de nombreuses ruptures routières ou agricoles. Si en zone dense, les courtes distances sont volontiers parcourues en mode doux, c’est un phénomène plus rare dans le périurbain. Réconcilier proximité et accessibilité permettrait aux petites polarités des territoires périurbains de s’étoffer ; une réponse aux aspirations de l’ensemble des habitants dans leur désir d’ancrage et de pratiques quotidiennes autour du lieu de résidence.
Ces aspirations seront-elles à l’avenir mieux relayées ? De plus en plus d’élus du périurbain semblent prendre en considération ces nouveaux enjeux, en adoptant notamment une réflexion intercommunale en matière d’aménagement. Cette nouvelle perception du territoire chez les élites politiques fait écho aux attentes des habitants, désirant mieux explorer les ressources proches, qu’il s’agisse des polarités voisines comme des espaces naturels.

La mobilité dans le périurbain : désir d’ancrage et nouvelles proximités

Par Mireille Bouleau et Lucile Mettetal

Note rapide Mobilité, n° 646 – Mars 2014

Pour maîtriser les coûts liés à la mobilité, les résidents périurbains exploitent les ressources de proximité

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