Quelles priorités pour relancer un secteur du bâtiment proche du déclin….
Alors que les services statistiques du ministère du développement durable, (SOeS), viennent de publier les chiffres alarmants sur les mises en chantier de logements neufs en France qui poursuivent leurs longues décroissances, Sylvia Pinel, ministre du Logement, a présenté en Conseil des ministres une série de dispositifs visant à relancer le secteur de la construction.
© Source : SOeS, Sit@del2 - Cumulés sur douze mois, le nombre de logements autorisés à la construction (389 400 unités) diminue de 20,7 %.
PRIORITÉ 1 : FAVORISER L’ACCESSION À LA PROPRIÉTE
* Renforcer le prêt à taux zéro (PTZ) sur les zones où son effet de levier est le plus grand pour les classes moyennes et modestes. Le montant de l’achat pris en compte et la quotité du prêt seront relevés, le plafond de revenu sera élargi pour les classes moyennes, et le remboursement différé sera allongé pour les plus modestes.
* Ouvrir le prêt à taux zéro à l’achat de logements anciens à réhabiliter sur quelques territoires en milieu rural pour favoriser la revitalisation des centres bourgs. Conditionné à des travaux de rénovation, il permettra de mieux prendre en compte la situation de ménages qui souhaitent acquérir un logement existant et le rénover. Les modalités seront précisées dans le projet de loi de finances pour 2015.
* Sécuriser l’accession sociale à la propriété des classes moyennes et modestes en harmonisant les barèmes du prêt à taux zéro et du prêt d’accession sociale. L’augmentation des plafonds PAS (prêt accession sociale) permettra à davantage de ménages modestes primo-accédants d’êtres bénéficiaires de la garantie publique. Ils seront alignés sur ceux du PTZ pour plus de cohérence et de simplicité.
Ces évolutions permettront d’augmenter de plus de 60% le nombre de PTZ distribués, qui passera de 44 000 à plus de 70 000 annuels.
PRIORITÉ 2 : SIMPLIFIER LES RÈGLES DE CONSTRUCTION ET DEVELOPPER L’INNOVATION
Leviers d’action
* 50 premières mesures de simplification de la réglementation. Elaborées avec les professionnels, ces mesures permettront de faire baisser les coûts de construction et de faciliter la conception des projets. Elles concernent notamment les questions de confort et d’hygiène, de sécurité incendie, de solidité, de lutte contre les termites, d’accessibilité... Elles seront proposées aux instances consultatives obligatoires dès cet été pour une mise en œuvre à l’automne au plus tard.
L’exercice de simplification ne doit pas être un exercice ponctuel mais une préoccupation permanente. Si les mesures concernent essentiellement les normes existantes, certaines visent également à agir sur les normes à venir :
* Ouverture d’un espace dédié sur le site Internet du ministère du Logement et de l’Egalité des territoires, qui permettra dès cet été aux professionnels et à l’ensemble des acteurs de continuer à faire remonter leurs propositions pour simplifier encore la réglementation.
* Installation du conseil supérieur de la construction pour réguler le flux de règles et normes à venir. Réunissant l'ensemble des professionnels, il évaluera l'impact économique de toute nou- velle règle concernant la construction et veillera à la bonne articulation des réglementations entre elles. Les professionnels de la construction seront par ailleurs mieux associés à la gouvernance de l'élaboration des normes, dont plus de 4 000 concernent le bâtiment.
Il s’agit maintenant d’aller plus loin dans la continuité des travaux du conseil de la simplification : l’article 7 du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier la vie des entreprises, présenté le mercredi 25 juin 2014 en conseil des ministres, permet de conforter une approche opérationnelle de l’aménagement des zones urbaines.
Ces dispositions sont destinées à :
* déterminer des modalités de participation du public, alternatives à l’enquête publique, pour les décisions de permis de construire ou d’aménager, portant sur certains projets soumis à étude d’impact. L’objectif est de parvenir à une accélération de la réalisation des constructions et des aménagements concernés, tout en maintenant une participation du public aux décisions d’urbanisme, qui doit être proportionnée au niveau d’incidence des projets concernés sur l’environnement. Des modalités moins longues et plus modernes que l’enquête publique peuvent donc utilement être mobilisées ;
* élargir le champ d’application des dérogations aux documents d’urbanisme pour faciliter la réalisation de projets dans les secteurs où le foncier est rare et où les projets de construction sont soumis à davantage de contraintes ;
* réduire les obligations de création de parking dans les zones tendues et bien desservies par les transports. Il s’agit d’étendre le champ de la réglementation existante qui limite l’obligation de réaliser des aires de stationnement, lors de la construction ou la transformation de logements locatifs, à une place par logement. Elle s’appliquera aussi aux résidences étudiantes et aux établissements d’hébergement pour personnes âgées, et s’accompagnera d’une réduction de la norme pour toutes les constructions de logements situées à moins de 500 m d’une gare ou d’une station de transport collectif guidé.
* favoriser le développement de projets de construction de logements dans les zones à dominante commerciale, par l’établissement d’un bonus de constructibilité, sous réserve de bonne desserte par les transports en commun et de mixité fonctionnelle. Il s’agit d’encourager les constructions sur plusieurs niveaux et d’améliorer la qualité urbaine des zones commerciales en leur permettant d’accueillir d’autres fonctions.
En ce qui concerne le développement de l’innovation, les leviers d’action sont :
* Lancement dès cet été de l’appel à manifestation d'intérêt « méthodes industrielles pour la rénovation et la construction de bâtiments » par l’Ademe pour développer des procédés constructifs innovants
Dans le domaine du bâtiment, des méthodes prometteuses sont développées pour permettre de construire ou de rénover des logements, mais de nombreux freins existent pour leur diffusion. Cet appel à manifestation d’intérêt a pour objectif de développer de nouvelles solutions technologiquement et économiquement viables pour un déploiement à grande échelle de la rénovation énergétique du parc immobilier français. Il favorisera également l’expérimentation de nouvelles façons de construire. Ces solutions innovantes doivent permettre une réduction forte des besoins des usages énergétiques, des impacts environnementaux, ainsi que des temps d’intervention sur chantier et donc des coûts de la construction.
Exemples : utilisation d’imprimantes 3D, recours aux techniques du numérique dans l’élaboration des maquettes, etc.
* Lancement avec les acteurs de la construction des travaux sur le label de performance environnementale des bâtiments
Alors que la réglementation actuelle se concentre sur le seul critère de la consommation énergétique des bâtiments, une expérimentation achevée en 2013 sur un grand nombre de bâtiments a montré la nécessité de prendre en compte les différents impacts environnementaux, sur l’ensemble du cycle de vie d’un bâtiment : ressource en eau, déchets, changement climatique... Il s’agit ainsi d’éviter les transferts de pollutions d’un impact à un autre et de pouvoir envisager des bâtiments encore plus efficaces, qu’ils soient à énergie positive, bas carbone ou hautement recyclables.
Les travaux pour l’amélioration de la performance environnementale des bâtiments neufs vont ainsi être engagés dès septembre 2014. Cette démarche sera progressive et entièrement volontaire. Elle aboutira au 1er trimestre 2015 à la mise en place d’un affichage environnemental des bâtiments. A moyen terme, l’analyse des résultats obtenus donnera lieu à un label volontaire qualifiant le bâtiment à faible impact environnemental.
* Installation de plates-formes de l'innovation pour le bâtiment sur l’ensemble du territoire, à l'image de l'expérience pionnière menée entre l'Alsace et le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB).
Un réseau territorial partenarial d’accompagnement des innovateurs dans le bâtiment sera développé en renforçant la pédagogie sur les dispositifs d’évaluation à l’aptitude à l’emploi des produits et procédés. Ce réseau s’associera pleinement aux plateformes locales du bâtiment, et devra permettre une fluidification de l’accès au marché des produits innovants et la détection précoce des produits à haut potentiel d’export notamment.
Par exemple, le CSTB a mis en place un partenariat en octobre 2013 avec Alsace EnergieVie, qui est un pôle de compétitivité dédié à l’efficacité énergétique dans le bâtiment et orienté vers l’objectif du bâtiment à énergie positive (BEPOS). Le CSTB pourrait se voir confier la responsabilité de développer et d’animer un tel réseau ayant comme objectif de fournir sur tout le territoire un accompagnement de qualité au plus près des innovateurs.
* Nomination d’un ambassadeur du numérique dans le bâtiment pour diffuser ces techniques dans les procédés de conception et faciliter le travail collaboratif. Bertrand Delcambre, président du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), est nommé ambassadeur du numérique dans le bâtiment. Il sera chargé de définir et de mettre en œuvre un programme opérationnel pour développer les applications et innovations numériques dans le processus de construction. L’utilisation des outils numériques dans le bâtiment permettra de moderniser le processus de construction et les coopérations entre les acteurs, d’améliorer la qualité sur les chantiers et de réduire les coûts de construction. Ces outils, et notamment le « Bâtiment et Informations modélisées » (BIM), permettront également aux maîtres d’ouvrage de disposer de possibilités accrues pour s’approprier leurs projets avant réalisation et pour mieux anticiper les risques, les nécessités et les coûts de l’exploitation future.
PRIORITÉ 3 : SOUTENIR LA CONSTRUCTION DE LOGEMENTS SOCIAUX ET CRÉÉR UNE NOUVELLE OFFRE DE LOGEMENTS
INTERMÉDIAIRES EN ZONES TRÈS TENDUES
* Mobilisation de l’Etat en lien avec le mouvement HLM et la Fédération des Promoteurs Immobiliers pour soutenir les projets retardés, et un suivi opérationnel à haut niveau, mobilisant les Préfets concernés, recherchera les solutions adaptées pour débloquer ces projets.
* Fermeté de l’Etat vis-à-vis des communes n’ayant pas atteint le seuil de la loi SRU et n’ayant pas fourni suffisamment d’efforts de rattrapage au cours des 3 dernières années. Le cas échéant, une majoration de leur pénalité sera déterminée. La loi SRU et la loi du 18 janvier 2013 portant le seuil obligatoire de 20% à 25%, constituent un formidable moteur de solidarité permettant de dynamiser la construction de logements sociaux. Le Gouvernement restera extrêmement vigilant sur son application et sera ferme sur les modalités d’application des majorations aux communes carencées.
* Appel à projets pour créer des logements accessibles aux personnes les plus fragiles « prêt locatif aidé d’intégration adapté » (programme de logements très sociaux à loyer très bas) financé par les pénalités versées par les communes déficitaires en logements sociaux. Il s’agit de créer une nouvelle offre de logements PLAI très sociaux destinée aux ménages les plus modestes. La ministre a lancé fin mai le deuxième appel à projets « PLAI adaptés ». Ce programme vise à la production annuelle de 3 000 logements PLAI adaptés, dont au moins 2 000 dès 2014.
* Soutien par l’Etat d’un programme de production de logements accompagnés (résidences sociales, pensions de famille) à destination des ménages les plus modestes. Le pacte signé entre l’Union sociale pour l'habitat (USH) et l’Etat le 8 Juillet 2013, vise à la mise en place de 10 000 logements sociaux accompagnés en trois ans. Un appel à projet a été lancé à cet effet le 30 mars 2014 au sein du secteur HLM, les premiers projets seront sélectionnés durant l’été. Par ailleurs, 1 000 nouvelles places de pension de famille, à destination de personnes à faible niveau de ressources, dans une situation d’isolement ou d’exclusion lourde, et dont la situation sociale et psychologique, voire psychiatrique, rend impossible à échéance prévisible leur accès à un logement ordinaire, doivent être créées en 2014.
* Un accord national d’engagement sur la qualité de service dans le logement social entre l'USH et l’Etat pour favoriser le lien social et le vivre ensemble des habitants. Il aura pour objectif d’améliorer concrètement la vie quotidienne des locataires des immeubles sociaux en fixant des objectifs sur plusieurs thématiques ciblées, notamment :
- Le développement du lien social
- La diminution des charges pour améliorer le pouvoir d’achat des locataires
- La rénovation du bâti
- L’amélioration de la sécurité
- La réduction des nuisances sonores
- L’adaptation des logements pour la prise en compte du vieillissement et du handicap
- Le développement d’une offre innovante et adaptée pour l’accueil des jeunes.
Pour favoriser l’émergence d’une nouvelle offre de logements, le plan prévoit 6 actions :
* Mise en place effective d’un cadre juridique pour le logement intermédiaire. Le projet de loi de ratification de l’ordonnance sur le logement intermédiaire du 20 février 2014 sera déposé avant le 21 juillet 2014 au Parlement. Ce projet de loi prévoira des dispositions incitatives nouvelles, notamment la possibilité d’augmenter dans les documents d’urbanisme la constructibilité en cas de réalisation de logements intermédiaires.
* Définition des plafonds de ressources, de loyer et de prix, en locatif et en accession, du logement intermédiaire, dès cet été par décret. Les plafonds de loyer seront ceux qui s’appliquent au dispositif d’investissement locatif des particuliers et au régime fiscal de la loi de finances pour 2014, fixés pour être situés à environ 20% au-dessous du prix du marché, permettant une harmonisation et une lisibilité des dispositifs.
* Amélioration du dispositif d’investissement locatif, qui permet aujourd'hui à un investisseur de bénéficier d'une réduction d'impôt de 18% du prix d'acquisition en contrepartie d'engagements de sa part sur une durée de 9 ans (respect des plafonds de ressources pour le locataire et loyer pratiqué inférieur au prix du marché d'environ 20%). L'investisseur sera désormais incité à maintenir son logement dans ce dispositif pour une durée plus longue, en contre-partie d'un avantage supplémentaire. Cette prolongation sera optionnelle pour l'investisseur.
* Révision du zonage « A / B / C » afin de favoriser l’investissement locatif et la construction de logements en zones tendues. Le zonage permet d’identifier les zones tendues pour moduler les dispositifs financiers permettant l’accession à la propriété et la location.
* Renforcement des moyens d’action : l’Etat et la Caisse des dépôts, via la société nationale immobilière (SNI), prendront une part dans cet effort de construction en faveur du logement intermédiaire.
* Mobilisation des acteurs, notamment les investisseurs privés « long terme », en faveur d’un engagement massif sur le logement intermédiaire. Le Premier ministre, la ministre du Logement et de l’Egalité des territoires et le ministre des Finances et des Comptes publics réuniront ces acteurs en septembre.
PRIORITÉ 4 : RENFORCER LA MOBILISATION DU FONCIER
* Mobilisation des préfets qui seront chargés de faire émerger dans les régions où les besoins sont les plus criants, cinq projets de construction de logements, en lien avec l’ensemble des acteurs locaux, parmi les terrains qui ont déjà été identifiés.
* Installation de la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier pour assurer un pilotage resserré au niveau national de la mobilisation du foncier public, pour suivre et soumettre au bon niveau de décision les dossiers nécessitant un arbitrage. Elle identifiera les freins à lever pour renforcer encore l’efficacité du dispositif. Elle sera présidée par Thierry REPENTIN, sénateur de la Savoie.
* Renforcement de l’intervention des établissements publics fonciers, dont le rôle est essentiel pour mieux anticiper l’aménagement du territoire, grâce à la publication des nouveaux textes réglementaires qui les régissent. Les collectivités seront dispensées de l’obligation qu’elles avaient sur certains territoires de garantir les emprunts contractés par les EPF. Cette garantie n’était plus nécessaire compte tenu de la bonne gestion des EPF, mais elle freinait leur intervention et donc la mobilisation du foncier pour la construction.