La Valorisation de la Biomasse issue de la Phytoremédiation
La dépollution des sites contaminés est une préoccupation majeure, en raison d’une part, de l’impact de cette pollution sur l’environnement et la santé, liée notamment à la propagation des molécules dangereuses dans le milieu et leur transfert dans les nappes phréatiques et dans la chaîne alimentaire, et d’autre part des coûts exorbitants engendrés par les projets de réhabilitation qui exigent souvent l’excavation des sols et le transport onéreux des terres vers les installations de dépollution.
Dans la reconquête des friches industrielles, l’intérêt d’apporter de nouvelles démarches écologiques dans le cadre de dépollutions des sites et sols pollués représente un enjeu majeur pour notre environnement.
La reconversion des friches industrielles s’inscrit dans le cadre de la loi Grenelle II par l’article 43 et porte sur la remédiation des sites et l'intérêt de recourir aux « techniques de dépollution par les plantes ».
Véritable processus de dépollution peu coûteux qui doit être soutenue en raison de nombreux avantages qu’il soulève notamment par la valorisation de la biomasse produite.
Une solution qui présente l’avantage de ne pas concentrer les polluants dans la plante (phytoextraction), ni de les transférer vers l’atmosphère (phytovolatilisation). Aux Etats-Unis où la phytoremédiation est fréquemment utilisée pour la réhabilitation des sites industriels pollués, elle coûte au moins 50 % moins cher que les techniques classiques (qu’elles soient physiques, chimiques ou thermiques). Selon les industriels français du traitement des sols pollués, ce rapport serait plutôt de 1 à 30.
Situation paradoxale puisque son faible coût n’encourage pas un développement de masse. Une situation sclérosée puisque ce procédé ne laisse que peu de rentes financières aux industriels, la rentabilité serait-elle la source de la quasi inexistence de la phytoremédiation en France… ?
Un enjeu financier qui reste très important puisqu’avec ce procédé le traitement des terres atteint, selon la nature de la pollution, entre 20 et 80 euros la tonne contre 40 et à 200 euros la tonne pour des solutions classiques qui, de surcroît, entraînent souvent une destruction de la ressource !
Par ailleurs, les plantes ne peuvent, en effet, agir que sur certaines concentrations et profondeurs de polluants et ces derniers ne sont dégradés que lentement, voire uniquement confinés.
Or le simple confinement de polluants entraîne des restrictions d’usage et un problème de conservation de la mémoire. La longue durée d’immobilisation des terrains constitue certes l’inconvénient majeur. Impossible d’utiliser la phytoremédiation pour une utilisation rapide, surtout pour des activités sensibles. Sauf à recourir à l’excavation et au traitement par les plantes en hors site dans des centres comme celui de la bioferme. En outre, cette solution présente l’avantage de pouvoir homogénéiser les terres, et donc, de s’affranchir des limites de concentration et de profondeur des polluants.
Mais le principal intérêt de la phytoremédiation réside essentiellement dans l’in situ. Les plantes sont surtout intéressantes pour stabiliser les polluants à moindre coût sur de grandes surfaces. Ainsi, les collectivités ont gain à opter pour la phytoremédiation lorsqu’elles disposent de friches industrielles importantes, sans pression foncière forte : Implanter un couvert végétal permet de stabiliser les polluants et sert de support à un nouvel écosystème, réservoir de biodiversité.
La phytostabilisation peut aussi être associée à des techniques biologiques, les plantes permettant de stimuler l’action des bactéries dans le sol et donc la dégradation-transformation des polluants. La phytostabilisation “aidée” offre des résultats intéressants sur les sédiments. Une expérience menée depuis sept ans sur des sites de dépôts montre que les plantes se sont vite installées et ont rapidement limité le lessivage avec une bonne immobilisation des polluants.
Et la biomasse, alors, la pollution confinée, les terrains valorisés, pour développer une méthodologie et un outil opérationnel, l’Ademe soutient financièrement des programmes à grande échelle. Leur objectif : évaluer, sur le long terme, l’efficacité de la technique, en estimant les transferts de contaminants vers les différents compartiments de l’environnement (eau, air, sol, chaînes trophiques), ainsi que la viabilité socioéconomique, notamment via l’exploitation de la biomasse produite.
Aux Etats-Unis, nombre de décharges utilisent les plantes pour confiner la pollution et fournir des revenus. La rentabilité économique constitue une garantie de la pérennité des procédés mis en place, de plus, l’utilisation de ces terrains pollués permet de produire de la biomasse sans concurrencer les productions alimentaires. « A la bioferme, nous avons déjà monté une filière structurée permettant de valoriser la biomasse des filtres plantés à hauteur de 60 euros la tonne. Les plantes représentent les solutions de dépollution du XXIe siècle. Il suffit simplement de changer de culture », conclut Thierry Jacquet, président et créateur de Phytorestore et de la bioferme
Les sols gorgés de plomb, de zinc et de cadmium...
L’exploitation de Metaleurop et de Nyrstar a laissé un passif «lourd» à gérer. «Autour des usines, les concentrations en plomb des sols sont jusqu’à trente fois supérieures aux moyennes régionales. Une centaine d’hectares est très fortement contaminée et plus de 100 km2 sont concernés par la pollution historique», constate Francis Douay, responsable du laboratoire «sols et environnement» du groupe ISA (Institut supérieur d’agriculture). Pour la communauté d’agglomération d’Hénin-Carvin, le recours aux plantes présente l’une des rares solutions économiques et écologiques envisageables. « La phytostabilisation permet de confiner la pollution, tout en valorisant les terrains », analyse Virginie Serpaud, chargée de mission « aménagement durable » à la communauté d’agglomération. Afin de développer ces techniques, l’agglomération participe à une expérimentation visant à planter du miscanthus sur des terres agricoles contaminées. « L’idée est de stabiliser les polluants en évitant les poussières liées à l’exploitation des terres, et de fournir un revenu aux agriculteurs grâce à la biomasse », résume Francis Douay. La viabilité technique et socioéconomique de la filière, avec une biomasse qui alimentera la chaudière d’un lycée, sera évaluée.
L’Institut National de l’EnviRonnement Industriel et des RisqueS a pour mission de contribuer à la prévention des risques que les activités économiques font peser sur la santé, la sécurité des personnes et des biens, et sur l’environnement. Dans le cadre de sa mission d’accompagnement de l’innovation durable, approfondit son expertise sur la phytoremédiation. L’Institut est ainsi partenaire du projet européen GREENLAND, lancé cette année, qui porte sur l’efficacité de la phytoremédiation appliquée aux sols pollués par les métaux. Ses équipes ont notamment la charge d’animer l’ensemble des travaux relatifs à l’optimisation des techniques de valorisation de la biomasse. Au sein du programme ANR BIOFILTREE, qui vient de démarrer, l’INERIS participe au travail de valorisation énergétique de biomasse issue de la phytostabilisation et réalise une analyse technico- économique de la solution mise en œuvre. BIOFILTREE doit évaluer l’intérêt des micro- organismes pour réduire les concentrations de métaux lourds dans les parties aériennes des arbres, et permettre ainsi une meilleure valorisation de la biomasse.
Les techniques de phytoremédiation utilisent les plantes pour éliminer, contenir ou rendre moins toxiques les contaminants environnementaux présents sur un site pollué. Elles font l’objet de recherches depuis les années 1990 et doivent encore prouver leur efficacité : pour cette raison, l’INERIS, dont la mission est d’accompagner le développement et la mise en œuvre de technologies durables, mène des travaux pour évaluer leurs performances.
L’Institut participe ainsi au programme de recherche GREENLAND, soutenu par la Commission Européenne, qui a débuté cette année pour une durée de 4 ans. Ce projet vise à évaluer et développer l’efficacité des techniques de phytoremédiation sur des sols pollués par les métaux. GREENLAND, coordonné par l’Université des Ressources Naturelles et Sciences de la Vie de Vienne (Autriche), rassemble 17 partenaires (universités, organismes de recherche, entreprises, administrations) représentant 10 pays (Autriche, Belgique, Suisse, Allemagne, Espagne, France, Italie, Pologne, Suède, Royaume-Uni).
Les travaux de GREENLAND s’appuient sur les projets de recherche nationaux existants, avec l’idée de mutualiser les ressources et de favoriser la mise en place d’un réseau de recherche européen intégré. Ce programme comporte plusieurs volets auxquels participent les équipes de l’INERIS : expérimentation des techniques de phytostabilisation et de phytoextraction1 à échelle réelle ; étude de la valorisation de la biomasse récoltée sur les sites gérés au moyen de ces techniques ; harmonisation des méthodes d’évaluation de l’efficacité des phytotechnologies (mesure de la biodisponibilité2 des éléments traces métalliques -ETM- par exemple) ; rôle des pratiques agronomiques (sélection des plantes, amendements) et de l’utilisation d’agents biologiques (micro-organismes) dans l’amélioration des performances. Ces travaux doivent aboutir à la création d’un outil d’aide à la décision pour les utilisateurs des techniques de phytoremédiation.
L’Institut est en particulier chargé d’animer, au niveau européen, le volet « Valorisation de la biomasse ». Ce volet a pour objet de réaliser un état des lieux des types de biomasse et des techniques de valorisation utilisées aujourd’hui ; d’identifier avec les acteurs de terrain les limites et les contraintes liées à l’usage de biomasse polluée aux ETM ; de tester la faisabilité et les performances de différents procédés (incinération, méthanisation, combustion, compostage...), en faisant varier notamment les paramètres liés à la biomasse (familles de plantes – herbes, arbres... ; espèces ; concentrations plus ou moins fortes en ETM...) issue de divers types de sols contaminés (nature des sols ; caractéristiques des polluants).
Un autre projet lancé cette année, dont les travaux nourriront GREENLAND, implique les chercheurs de l’INERIS. Le programme ANR BIOFILTREE étudie l’intérêt d’utiliser la filtration biologique dans le cadre de techniques de phytostabilisation. Coordonné par l’Université de Nancy, il réunit les équipes d’universités canadiennes (Laval, Sherbrooke, McGill), des industriels et l’INERIS pour une durée de trois ans. L’enjeu de la phytostabilisation, adaptée à des sols fortement pollués, est de limiter l’accumulation des polluants dans les parties aériennes des plantes et éviter leur dissémination dans l’environnement.
BIOFILTREE permet de tester le rôle de micro-organismes rhizosphériques3 symbiotiques pour réduire les transferts d’ETM vers les parties aériennes d’arbres et ainsi faciliter la valorisation énergétique de la biomasse qui en est issue. Ce programme s’appuie en particulier sur un essai à échelle réelle de l’INERIS, en partenariat avec VNF : une co-culture d’espèces ligneuses (aulnes, peupliers), ensemencées de micro-organismes, est réalisée sur un dépôt de sédiments pollués. L’Institut, qui participe à toutes les étapes du projet, a par ailleurs pour objectif de réaliser une évaluation technico-économique de la technique ; ses équipes effectueront également des essais de valorisation de biomasse en chaudière et étudieront les effluents.
Dans le cadre de sa mission d’accompagnement de l’innovation durable, l’INERIS étudie les performances des technologies de phytoremédiation des sols pollués (phytostabilisation et phytoextraction) ; l’Institut est aujourd’hui un acteur national et européen reconnu dans ce domaine. L’INERIS est par ailleurs membre du GISFI et du GIS 3SP4. L’Institut s’est intéressé à ces nouvelles techniques dans le cadre de son expertise intégrée des risques en matière de sites et sols pollués (étude de l’impact sur les milieux ; évaluation des risques pour la santé humaine, la ressource en eau et les écosystèmes ; évaluation des performances des écotechnologies...).